Depuis quelques années, chaque mois de juillet apporte aux pottermaniaques dont je suis sa dose de nouveauté : publication en anglais des sixième et septième livres, sortie mondiale de ce sixième film, deux ans après le précédent. Comme je le soulignais dans ma critique de "Harry Potter et l'Ordre du Phénix", le décalage entre le vieillissement biologique des acteurs et celui des personnages ne fait que s'accélérer, et la partition en deux épisodes des "Reliques de la Mort" risque de donner au casting du huitième film des airs de congrès d'une organisation de jeunesse dans feu l'Union Soviétique.
Pourtant, c'est au mois d'août et non en juillet que débute chaque épisode de la saga, par une virée du côté de Little Whinigng et de l'accueillante famille Durdsley, qui subit dans le livre la visite de Dumbledore. Pourtant, dans le film, pas d'apparition d'Oncle Vernon et de Tante Petunia ; non, indifférent aux menaces des Mangemorts, Monsieur Potter Jr lit le Daily Prophet dans un café de Moldus et file un rencart à la serveuse. Première différence avec le roman ; non, deuxième, puisque la savoureuse scène de la rencontre du nouveau locataire du 10 Downing Street (Tony Blair, vu la chronologie précise adoptée par J.K. Rowling) avec son homologue du monde des sorciers passe à la trappe.
Il me faudrait des pages et des pages pour relever toutes les différences entre le livre et le film : le remplacement de l'effondrement du pont de Brokedale par celui de la passerelle du Millenium (anachronisme puisqu'elle a été inaugurée en 2000, soit 3 ans après le déroulement de ce sixième épisode), la découverte de Harry stupefixé par Luna et non Tonks, la suppression pure et simple de Fleurk (aura-t-elle quand même le droit de se marier dans le prochain film ? Clémence Poesy n'était pas libre ?), l'absence du leg du 12 Grimault Place qui a son importance pour la suite de l'histoire, la silhouette filiforme de Jim Boadbent pour incarner le replet professeur Slughorn, ou l'omission de plusieurs passages dans la pensine pour reconstituer la transmutation de Tom Jedusor en Lord Voldemort.
Ce n'est certes pas nouveau, et la réduction d'un roman de 747 pages à 152 minutes nécessite forcément des adaptations et des ellipses. Ainsi, par un montage parallèle, on suit tout au long du récit les efforts de Malefoy dans la Salle sur Demande avec l'armoire à disparaître, contrairement au roman où le lecteur se trouvait placé au même niveau de supputation qu'Harry. De même, l'impuissance d'Harry dans la scène finale n'est pas due aux mêmes causes, et les indications sur les motivations de Rogue semblent plus clairement suggérées.
Et puis, pourquoi rajouter des scènes alors qu'il a fallu en supprimer tant ? Je pense notamment à la destruction du Terrier, qui n'apporte rien, sinon de justifier le cabotinage gothique d'Helena Bonham-Carter, dont la présence est aussi rajoutée à la scène de la Tour d'Astronomie et où elle dévaste gratuitement la Grande Salle, comme un teaser de la Bataille de Poudlard à venir. Etrangement, ces modifications portent plus sur l'intrigue principale que sur les affaires de coe ur de nos adolescents de héros, dont aucune circonvolution n'a été oubliée, jusqu'aux petits oiseaux vengeurs d'Hermione.
David Yates et le scénariste Steven Kloves ont sans doute voulu compenser la tonalité dramatique de ce dernier épisode 100 % poudlardien, présente dans la trame même de l'histoire, mais aussi dans les choix esthétiques : ainsi, le Poudlard Express traverse une lande rousse quasi-lunaire, alors que les trois premiers films nous montraient des paysages verdoyants. La photographie confirme la dominante des teintes froides du film précédent, jusqu'aux briques noires du Ministère de la Magie qu'on retrouve dans l'orphelinat de Mrs Cole.
Malgré ces critiques, "Harry Potter et le Prince de sang-mêlé" est plutôt une réussite, par sa capacité à doser ce mélange de film épique et de teen movie, et à maintenir la tension dans les différentes intrigues, que ce soit la découverte de l'existence des Horcruxes ou le suspense insoutenable de savoir si Ron-Ron va réussir à plaquer Lavande Brown. Certaines scènes semblent dopées au Felix Felicis, comme le premier cours de potions, les sélections du Quidditsch ou l'enterrement d'Aragog.
Enfin, dernière remarque sous forme de question à mes fidèles lecteurs, est-ce bien la photo de J.K. Rowling que l'on voit en couverture du magazine de tricot que Dumbledore trouve dans les toilettes du cottage squatté par Horace Slughorn ?
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