Derniers Avis sur L'Oiseau noir

Pour cette nouvelle collaboration entre Tod Browning et Lon Chaney, le cinéaste offre un double rôle à l'acteur. Un double rôle tenu par le même homme, à la fois voleur sans vergogne dans le quartier de Limehouse à Londres mais également évêque paralytique aidant les pauvres. Dan, connu sous l'appellation du "Corbeau", tombe amoureux d'une femme qui elle, cède aux avances d'un autre gredin plus raffiné. Se servant de sa double identité, il va tâcher de séparer les deux amants avant de se faire piéger à son propre jeu... Continuant leur exploration des personnages abimés et usés en redoublant d'invention (et qui atteindra son paroxysme en 1927 avec "L'Inconnu"), le tandem Browning/Chaney se met ici au service d'une intrigue particulièrement retorse puisqu'elle nous attache à un personnage fort peu recommandable, capable de toutes les bassesses pour arriver à ses fins. Dans le rôle, Lon Chaney est forcément irrésistible, offrant au personnage une sacrée belle dualité. Remarquons d'ailleurs au passage la veine sociale dans laquelle Browning continue de s'engager, s'attardant sur les miséreux et sur la condition humaine dans les bas-fonds de la société, où les truanderies et les mensonges sont parfois plus forts que l'amour...

L'horreur produite par la dèformation physique avait dèjà fait partie de l'univers de Tod Browning au temps du muet, lorsqu'il dirigeait l'immense Lon Chaney, un acteur mythique comme on n'en fait plus aujourd'hui! Un spècialiste du maquillage horrible qui aimait presque sadiquement qu'il pusse être dèfigurè ou mutilès dans ses films! Dans "The Black Bird" que Browning signe en 1926 et qui raconte l'histoire d'un monte-en-l'air qui quitte la femme qu'il aime pour entrer dans un monastère, Lon Chaney fut paralytique en jouant dans la même occasion deux rôles! C'est à l'aube du parlant qu'il disparaît, ce parlant qu'il devait apprèhender et dèsirer si fortement en même temps! Le public, encore bien ingènu et fort impressionnable, retiendra de Chaney ses multiples compositions (dont celle de "The Black Bird"), ses masques, ses maquillages, oubliant que ce n'ètait là que des moyens qu'il utilisait pour faire passer une sensibilitè particulière, une comprèhension très subtile du fantastique! Une raretè cinèphilique (diffusè jadis sur Arte) avec deux personnalitès (Browning / Chaney) faites dècidèment pour se rencontrer...