La science fiction et moi au collège ou au lycée c'était une sorte d'histoire d'amour, ça me fascinait, ces questions métaphysiques que l'ont pouvait se poser en voyant un film ou en lisant un bouquin, puis il y a eu un divorce, en effet je trouve ce genre malheureusement trop fade, ne poussant pas le côté métaphysique assez loin bien souvent ou bien l'univers est trop creux (même s'il y a quelques réconciliations passionnées, avec Solaris par exemple). C'est l'histoire d'une de ces réconciliations. Je ne connais pas Fassbinder, je n'ai vu de lui que le premier épisode de Berliner Alexanderplatz (il faut que je vois la suite, surtout après avoir vu une oeuvre telle que le monde sur le fil), c'est donc avec une certaine anxiété que je met le DVD dans le lecteur, peur de me faire chier pendant 3h20 (oui c'est long). Avant toute chose, ce film n'est en aucun cas chiant et on ne voit pas le temps passer, bonne chose donc.
Je vais tenter de ne pas spoiler, même si c'est difficile de parler d'un tel film sans rien dire sur son scénario, car c'est là sa plus grande force.
Seulement contrairement à d'autres films comme Inception par exemple, dans le même genre d'univers, ici le scénario est très habile, pas de complication à outrance, et le monde sur le fil nous laisse nous poser des questions sur la portée métaphysique justement d'un tel univers, là où Inception nous laissait à des bêtes considérations très terre à terre.
Alors oui, je parle d'Inception, gros blockbuster de l'an dernier que certains profanes osaient qualifier d'original, il va sans dire que Matrix, Total Recall, Existenz (et j'en passe) étaient passés par là pour le côté "niveaux superposés, rêves, vrai/faux etc". Seulement en citant ces films là on est aussi en tort, Existenz n'a rien inventé, pas plus que Matrix (en terme de scénario), car en 1973, Fassbinder réalise un téléfilm, à très faible budget (et bien plus réussi que tous les autres films que j'ai pu citer, malgré leurs qualités plus ou moins grande), adapté d'un roman que je n'ai pas lu.
Ici il est aussi question de savoir si on est dans la réalité ou pas. En effet des savants ont créé un ordinateur dans lequel "vivent" près de 10 000 personnes, qui pensent que le seul monde existant est celui qu'elles connaissent.
À partir de ce principe de base, Fassbinder va s'amuser à nous faire vivre une sorte de thriller d'anticipation, mais avec des enjeux biens réels.
Le format téléfilm découpé en deux parties est parfaitement justifié, et il en joue, c'est à dire qu'on se trouve avec un cliffhanger hallucinant à la fin du premier épisode. Je n'aime pas trop ce procédé très racoleur dont abusent certaines séries, mais là je dois dire que ça marche plutôt bien, parce que justement ça ouvre des pistes, des idées, et ça fait franchement peur.
Alors l'intrigue est un peu prévisible, vu qu'on a vu des tas d'autres films qui justement parlent d'un univers dans un univers, mais je dois dire que l'idée qu'on puisse créer avec un ordinateur des gens qui pensent, je trouve ceci fascinant, c'est comme se prendre pour dieu.
Après question mise en scène c'est de haute volée, cadres magnifiques allant toujours chercher un miroir histoire de travailler avec le reflet, ça colle bien dans la thématique du film. Il y a un côté thriller très prononcé, tout semble inquiétant, suspect.
Alors le film a quand même quelques petits défauts, à un moment lors d'un super plan séquence on voit l'ombre de la caméra, ça gâche un peu tout, ou bien quelques facilitées durant la seconde partie, du genre j'allume la télé on parle de moi, ou bien je trouve hyper facilement la voiture à un endroit différent de celui où je l'ai lancée. Ce genre de maladresses qu'on voit très souvent dans les films, mais là ça ne passe pas, le reste du film étant d'une qualité bien supérieur et vaut bien mieux que ça (et puis ça m'a fait chier de le remarquer, alors que tout le reste est brillant).
On a un film maîtrisé que ça soit sur la mise en scène (avec peu de moyens), ou bien sur le fond avec des vrais enjeux, des vrais idées, c'est totalement novateur et injustement oublié. C'est à voir, une petite leçon de cinéma envoyant valser en enfer tous les films reprenant cette idée de départ, parce que Le monde sur le fil n'a pas besoin de rajouter de l'action pour maintenir devant l'écran.
En tous cas la télévision n'a pas fini de me surprendre après La maison des bois ou bien Saraband.
Grand film.