La rencontre entre l'oeuvre d'Alphonse Daudet et Marcel Pagnol, aux dialogues, produit une comédie provençale savoureuse et chaleureuse, au moins dans sa première partie à Tarascon. Il est des moments où la peinture du Tarascon des petits notables, dont le héros est Tartarin, doit autant à Daudet qu'à l'éloquence pagnolesque, où l'on ne sait plus si les excès dialectiques de ces cocasses méridionaux sont de la main de l'auteur du livre ou du dialoguiste.
Raimu, bedonnant et marchant comme avec un torticolis, compose avec brio et bonhomie cette figure incontournable de Tarascon , non pas tant vantarde que volontiers mythomane, ce chasseur pantouflard amateur d'armes dont ses concitoyens considèrent que s'il a failli se rendre en telle contrée lointaine, c'est qu'il y est allé! Cette partie du film est colorée comme un film de Pagnol.
On voit mieux, dans la seconde partie du film,ce que la réalisation de Raymond Bernard (dont on se demande, au vu de sa filmographie, ce qu'il vient faire là) a d'insignifiant et de transparent. Débarqué en Algérie, malgré lui et sous l'aimable pression de ses amis tarasconnais, pour y chasser le redoutable lion de l'Atlas, Tartarin est confronté à des péripéties sans aucun relief et bien moins amusantes, et dont on ne sait pas (j'ai lu la chronique éponyme il y a trop longtemps) si c'est une faiblesse du récit de Daudet ou si c'est la réalisation de Bernard qui manque totalement d'inspiration à un moment du film où les textes de Pagnol n'ont plus la prépondérance. On mesure la médiocrité de cette partie du film aux apparitions d'un escroc dépouillant Tartarin, faux prince monténégrin affublé d'un accent italien (?) insupportable et incarné par un comédien particulièrement mauvais (là où il aurait fallu une Jules Berry gouailleur).
En résumé, on aurait aimé passer plus de temps avec la population de Tarascon.