Troisième et dernier volet de la "Trilogie de l’Apocalypse" de John Carpenter (après le fantastique "The Thing" et le décevant "Prince des Ténèbres"), "L’Antre de la folie" est un film gentiment atypique qui, sans être un chef d’œuvre, rappelle que la réalisateur fait partie des grands noms de cette époque. Il propose, ici, un univers vraiment intéressant (on pense à Stephen King et à Lovecraft, les deux références assumées de Carpenter ici) et, comme toujours, un pitch des plus alléchants
(un enquêteur est engagé pour retrouver un auteurs à succès, disparu mystérieusement, et découvre que le monde apocalyptique décrit dans ses livres est bien réel)
. "L’Antre de la folie" est, dès lors, très référencé et parlera forcément aux amateurs de ce genre de littérature, qui n’ont pas tant de films que ça à se mettre sous la dent. Il n’y a guère que "Shinning" qui peut venir à l’esprit (toute proportion gardé, bien évidemment) avec sa folie ambiante, son écrivain possédé et ses phénomènes inexpliquées. Le concept du livre dans le film est, également, très plaisant... surtout de la façon dont il est exploité, c'est-à-dire en refusant de forcément tout expliquer. Car, comme son titre l’indique, "L’Antre de la folie" est un film sur la folie… et sur ce point, il propose une approche vraiment intéressante du sujet, pas forcément rationnelle, pas toujours parfaitement structurée mais qui créé incontestablement une perte de repère payante. Le maître aime, d’ailleurs, à nous titiller dès la déroutante scène d’introduction, qui voit le héros John Trent (excellent Sam Neill qui éclabousse le film de sa présence) se faire interner dans un asile sans qu’on sache vraiment pourquoi, le tout sur fond de menace extérieure latente et d’apparition spectrale. Beaucoup de questions se posent alors sur ce que va raconter le film… qui opère, alors, un flash-back nous ramenant aux origines de l’histoire. Le procédé a beau être connu, il est utilisé ici avec une certaine pertinence puisqu’il permet de ramener le récit dans une certaine réalité, ce qui tranche avec l’introduction et qui permet d’apprécier, à sa juste valeur, l’évolution… et, par la même, le parcours du héros, qui va devoir remettre en cause ses certitudes pour accepter ce qu’il voit et ne comprend pas. Quelle grande idée, d’ailleurs, d’avoir fait de du héros un enquêteur en assurance censé débusquer les escrocs ! Le personnage n’est, dès lors, pas seulement, septique (ce qui est le minimum pour un héros dans ce genre de production) mais, également, cynique et sûr de lui (ce qui est déjà plus original). Son obstination à chercher une explication rationnelle à ce qu’il voit apporte une véritable plus-value au film... et crédibilise son propos. Il aurait été difficile d’adhérer à une histoire où le héros accepte, sans problème, que
tout ce qu’il vit résulte de l’imagination d’un écrivain qui peut plier les événements à sa volonté
. Il valait, d’ailleurs, mieux que le personnage soit réussi, puisqu’il est de presque tous les plans, au point d’étouffer un peu les seconds rôles. Heureusement, Carpenter aime le jeu d’acteur, ce qu’il prouve encore en confiant des rôles, pourtant peu écrits, à de vraies gueules de cinéma comme Jürgen Prochnow, Donald Glover, David Warner, Wilhelm Von Himburg, Frances Bay ou encore Charlton Heston. Seule Julie Carmen ne m’a pas totalement convaincue en partenaire imposée dont la prestation ne marquera pas les esprits. Autre petit bémol, la BO de Carpenter, qui est normalement un des ses très gros points forts, est, ici, moins marquée… et ce alors que le sujet était vraiment propice aux envolées habituelles du maître. Il est vrai que "L’Antre de la folie" est sorti en 1995 et que Carpenter est, avant tout, un réalisateur typique des années 80, avec tout ce que cela suppose sur le plan formel et musical. Le film est, d’ailleurs, vraisemblablement le dernier opus vraiment réussi du réalisateur et il porte déjà les marques de la fin de son règne en rognant sur ses points forts, plus forcément au goût du jour. "L’antre de la folie" n’est, donc, pas le film qui caractérise le mieux le talent de Carpenter mais il reste un bonne petite surprise, gentiment déroutante qui mérite le coup d’œil, aujourd’hui encore.