Alors que Shame le second film de McQueen va pointer son nez je me suis dit qu'il était temps de voir son premier.
J'étais un peu réticent au début, un premier film sur un sujet aussi dur que la grève de la faim, le tout inspiré de faits réels, avec soit disant une performance d'acteur, ça pue à plein nez le film sans mise en scène valable, d'un classicisme donnant la gerbe, un piège à cinéphile débutant (et à oscars), et en plus c'est un film de prison, j'ai rarement des films plus manichéens que des films de prisons, bref j'étais pas convaincu d'avance, même s'il est vrai que les bonnes critiques de la presse laissaient supposer que mes craintes étaient infondées.
Sauf que bon c'est rien de tout ça, et c'est pour ça que McQueen pourra devenir un grand réalisateur.
Le film possède une mise en scène absolument sublime, une photographie superbe, le tout est beau et contemplatif, on est loin de l'académisme que je redoutais. Surtout on n'est pas dans le misérabilisme. On est dans quelque chose de bien plus subtile, j'ai pas l'impression que McQueen va tenter de justifier le martyr de son héros, ou bien d'émouvoir la ménagère. On est dans un film cru, violent, on voit des choses qu'on ne voit pas forcément au cinéma d'habitude, des sexes d'homme, des corps abimés ou leur réalisme les rend difficilement regardable. C'est bien plus crade qu'un film de Cronenberg (par exemple), à cause justement de ce réalisme. On est dans la réalité.
Et là est une autre force du film, on a pas un Fassbender qui va chercher la performance comme a pu le faire Bale a plusieurs reprises, Fassbender est dans la retenue, et pas dans l'esbroufe, je n'ai pas l'impression qu'il cherche à imiter le vrai Bobby Sands, chose qui tache bien souvent de nombreux biopics, l'imitation du réel, plutôt que de le créer ce réel. Le personnage de Sands, j'y crois en tant que tel et c'est là que réside la force du jeu de Fassbender, il ne joue pas à être un autre.
La scène la plus intéressante du film est bien entendu ce très long plan fixe au plein milieu du film qui fait disparaître ce manichéisme, Sands va mourir parce qu'il l'a voulu, et ça c'est très intéressant, ça on ne le voit pas au cinéma d'habitude, ça ressemble un peu à Antigone d'Anouilh pour le coup.
Mais bien heureusement ce n'est pas la seule scène qui est géniale, je pense à une scène vers la fin où la caméra virevolte autour du lit de Sands, et le montage fait apparaître des oiseaux par superposition, j'ai trouvé ça tellement beau, angoissant.
De plus toujours dans l'absence de manichéisme, les gens de l'IRA ne sont pas montrés comme des anges non plus, en témoigne la première scène du film où on sent cette crainte d'avoir une bombe cachée quelque part.
C'est un film très travaillé, très pensé, et qui est visuellement magnifique. Forcément c'est un bon film, seulement je n'ai pas été bouleversé autant que je l'aurai aimé, sans doute parce que justement pour refuser ce manichéisme il ne faut pas chercher outre mesure l'émotion.
Mais bon film néanmoins, et j'attends Shame de pied ferme.