Si "Ring", "Kaïro" et "Shutter" nous ont bien appris une chose, c'est que les spectres asiatiques aiment se servir de la technologie des vivants pour nous faire des petits coucous pas forcément des plus amicaux depuis l'au-delà. À vrai dire, on était presque étonné qu'ils n'aient pas encore pensé à utiliser simplement un téléphone. Takashi Miike comblera heureusement cet oubli avec "La Mort en Ligne" en 2003, un ersatz "ringien" efficace mais parfois au bord de la satire (plus ou moins volontairement) d'un sous-genre de l'épouvante nippone à bout de souffle.
Évidemment, une telle affaire de "téléphone qui tue" ne pouvait pas échapper à l'oeil avide des producteurs américains et c'est donc tout logiquement qu'un remake vu le jour en 2008, confié au français Eric Valette sans doute remarqué grâce au succès de son premier long-métrage "Maléfique". Le résultat ? On aurait vraiment préféré mettre nos yeux sur répondeur plutôt que d'assister à cette énième histoire de fantôme exerçant inexplicablement sa vengeance sur des personnes qui n'ont absolument rien à voir avec lui (il tue même un chat, ce bougre !).
Une étudiante (Shannyn Sossamon) et un policier (Edward Burns) s'allient pour enquêter sur une série de meurtres mystérieux où chaque victime reçoit un coup de fil daté de sa future mort...
Bien entendu, comme pour l'original, il faudra accepter qu'un fantôme fasse une fixette sur les téléphones portables et fouille tranquillement dans leurs répertoires pour dénicher sa prochaine victime.
Évidemment, il faudra gober que, passés les premiers instants, les personnages acceptent, eux, cette situation avec la plus grande normalité.
Bien sûr, il faudra passer outre le fait que, sachant que des appels entraînent la mort, tout ce petit monde attende près de trois quarts d'heure de film pour se dire que détruire son téléphone ne serait pas une si mauvaise idée (et, bizarrement, personne ne pense simplement à s'en débarrasser, ils préfèrent tous le garder sur eux en permanence pour être sûr de bien mourir probablement).
Cela va sans dire, il faudra aussi oublier que ce remake fait dans la version américano-aseptisée la plus totale et amoindrit complètement le côté spectaculaire des mises à mort tout en ne distillant aucun soupçon d'ambiance un tant soit peu flippante, des éléments indispensables au charme de l'original.
Assurément, il ne faudra pas trop se poser de questions sur le comportement souvent irrationnel des personnages. (Pour échapper à un incendie, une femme s'est faufilée au fin fond d'un conduit de ventilation, une brillante idée ! Un flic explique tranquillement à son supérieur qu'il y a plein de fantômes qui rôdent tout en n'étant pas très content qu'on ne le croit pas, on applaudit !
C'est aussi entendu qu'il ne faudra pas trop rire devant des fashbacks à la mise en scène ridicule ou des fantômes CGI très gênants (ce sera notamment très dur avec la scène du bébé).
Logiquement, il faudra accepter qu'on vous serve une énième fois le même schéma scénaristique où les protagonistes principaux remontent au plus près des origines de la malédiction au fur et à mesure que le danger se rapproche d'eux avec un petit twist final à la clé (en même temps, l'héroïne l'a bien cherché, elle avait mille ans pour s'enfermer dans une grotte sans téléphone au lieu d'asticoter sans cesse l'esprit avec son enquête).
Immanquablement, il faudra digérer l'inévitable traumatisme familial violent sous cette sombre affaire qui, devinez quoi, correspondra plus que de raison au passé d'un personnage pour faciliter la résolution du film.
Naturellement, il faudra mettre de côté l'apparition complètement inutile de Ray Wise et toute la séquence surréaliste du show TV qui l'accompagne (il ne reste rien de l'aspect satirique de l'original sur celle-ci).
Enfin, plus que tout, il ne faudra pas rester bouche bée devant des acteurs hallucinés qui ne semblent même pas assumer le simple fait de s'être embarqués dans cette galère... Comment garder son sérieux lorsque Shannyn Sossamon balance un "son corps se trouve peut-être là-bas et son esprit circule via les portables pour attaquer les gens" avec le plus grand sérieux du monde ? Ou quand elle court n'importe comment dans les couloirs d'un hôpital abandonné comme sonnée par ce qu'on lui fait faire ? On peut comprendre pourquoi sa carrière a pris un sérieux coup dans l'aile après un bidule pareil...
Voilà...Si vous parvenez à faire fi de tout cela, peut-être que vous parviendrez à apprécier ce "One Missed Call" US... Sinon rabattez-vous sur l'original ou mangez la batterie de votre téléphone, ça aura toujours meilleur goût.