Le rêve, dans le sens strict du terme : sans doute l'un des thèmes les plus difficiles à traiter au cinéma. En effet, comment mettre en image ce qui touche à l'onirisme le plus pur sans tomber dans un vulgaire "n'importe quoi" ? Certains cinéastes, sans doute par manque d'imagination et par crainte de trop déboussouler le grand public se refusent totalement à cette dimension onirique (cf. le récent "Inception" de Nolan ...) ... d'autres s'en servent de manière plus symbolique pour mettre en relief toute la psychologie et les sentiments d'un personnage (chose que l'on retrouve dans un éventail de genres très large, du "Persona" de Bergman au "Voyage de Chihiro" de Miyazaki ...). Mais d'autres encore, et c'est sans doute la catégorie la plus rare, décident de traiter directement du rêve en en reprenant avec une certaine recherche tout le champ lexical. Satoshi Kon et son "Paprika" en font partie.
Dès le début, le ton est donné : le film s'ouvre sur un trompe-l'oeil, suivi d'un sublime générique "pop", ressemblant à un voyage entre plusieurs dimension dans un Japon futuriste, mais bien réel. Dès le départ, le rêve s'oppose à la technologie : l'esprit humain révélé par les machines ? C'est en tous cas l'idée qui en ressort le plus clairement. Dès lors, durant tout le film, Kon va jouer sur cette base avec laquelle il dévoilera au cours de séquences d'une folie assez jubilatoire les intentions et les tourments de ces personnages. Mais le cinéaste ne se limite pas à ça : il dévelloppe une réflexion intéressante sur les pouvoirs de la technologie et ses limites, sur la question de la préservation de l'esprit humain ... quoi qu'on en dise, "Paprika" est une oeuvre d'une richesse extrême.
Mais c'est peut être sa richesse qui est finalement responsable de son gros point faible. Il semble qu'on ait tellement chercher à traiter d'une myriade de thèmes qu'on a "saturé" le scénario : c'est lourd, et finalement, sans vouloir s'engager dans une grande voie en particulier, le scénario ne prend aucun risque et s'avère assez classique sur de nombreux points. Le danger que peut représenter la science face au rêve se résume finalement à un "Je veux être le maître du monde !" de la part du vilain de service (reconnaissable entre mille dès le début). Par conséquent, l'intrigue finit par perdre beaucoup de son intérêt ... ce qui est d'autant plus dommage que les personnages sont plutôt réussis dans l'ensemble.
Finalement, "Paprika" montre parfaitement en quoi parler directement du rêve est difficile : c'est un thème bien vaste, et si l'on ne sait pas sur quel point précis s'attarder, on s'y noie facilement. Toutefois, l'oeuvre de Satoshi Kon a le mérite non seulement d'avoir essayé avec sincérité de sortir des sentiers battus (ce qui est finalement assez réussi) et est esthétiquement sublime. Bref, l'essentiel est là : c'est un voyage onirique et plutôt envoûtant.