l'expressionnisme allemand regorge de film aux allures fantasmagoriques, de leurs visions de l'homme et du monde toujours en proie à ses démons intérieurs, fascinant de dualité et de fantasmes, les cinéastes expressionnistes ont chambouler le cinéma et les spectateurs de leur temps. L'aurore de Murnau est un film, qui, de par sa capacité de mise en scène et les thèmes qu'il aborde est une incroyable source d'analyse. En effet l'expressionnisme n'a jamais traité le thème du double à un niveau aussi total. Double femmes, double histoire, dédoublement de personnalité. Le film s'ouvre sur un plan d'un train partant d'une gare. Ce train file à toute vitesse et aussitôt, deux plans se superposent de ce train en marche, filant l'un vers l'autre dans la vitesse et la folie, rendant l'espace du cadre agité de par ce mouvement contradictoire.
Une femme est présentée, brune, venant de la ville. Très vite on comprend que cette femme à une aventure avec un fermier qui a une famille. La femme du fermier est blonde, visage de sainte et cheveux tirés. À travers des jeux d'ombres et de lumières murnau nous présente la peur, le mal et la pureté ainsi que leur opposition. La brune, vénéneuse, tend vers le mal et détourne le fermier de sa femme, va même jusqu'à lui demander de la tuer. Deux histoires commencent alors, celle qui se passe dans la campagne et celle qui se déroule à la ville. De ces histoires jaillissent la contradiction, la ville est présentée comme dangereuse et la campagne comme paisible, mais c'est surtout l'opposition tragédie/ burlesque qui surprend car les films expressionnistes sont d'habitude dénué de comique. De plus les formes habituellement géométriques sont ici rondeur (symbole féminin) et synonymes de mort.
Grâce à une mise en scène symphonique et symbolique, le film nous montre la culpabilité d'un homme, sa reconstruction par la rédemption et l'amour. Cette thématique hautement religieuse jalonne tout le film, scène du mariage, bande son avec des cloches qui retentissent mais surtout vision de la femme, l'une sainte épouse au visage clair, l'autre coupable du pêché originel, affichant les artifices de la ville et donc dans le film, du mal. La dualité la plus évidente est celle de l'obscurité de la ville, et de la clarté de la campagne, ou la lune est symbole la noirceur de l'âme ainsi que de la femme tentatrice. On ne peut pas penser à l'aurore de murnan autrement que comme un film misogyne, brassant des stéréotypes éculés et une vision de la féminité extrêmement négative. Le fait est que l'époque où a été tourné le film est encore engluée dans l'idée que la femme au foyer est symbole de bien et de douceur, enfantant et se soumettant à la religion. Le film est à l'image de cet archétype. Le film de murnau n'est pas un film du début de l'expressionnisme et n'a pas les caractéristiques stylistique de ce courant, exception faite des jeux d'ombres et de lumière de leurs synchronisation. Le lyrisme religieux du film est évident et révélateur du coté moralisateur du film, à l'image de ce plan où l'on voit l'une des habitantes du village regarder la camera pour nous dire « ils étaient heureux comme des enfants » elle devient de ce fait la morale du film. Si la mise ne scène est de par sa maitrise appréciable, son symbolisme grossier l'est moins. (femme brune=mort, nuit=mort, soleil=vie, femme blonde=amour). Mais là encore il faut voir le film comme un poème au caractère mélodique puissant. L'eau dans ce film représente le milieu du changement, de la peur (l'eau est souvent symbole de féminité), cette forme liquide imprègne tout le film (avec la rondeur), elle est l'élément par lequel tout va se mélanger, se dissoudre et mourir. Les personnages dans l'Aurore sont également souvent dans la contemplation (la ville qui se projette sur un écran imaginaire pour les amants, le mariage dans l'église que les époux regardent), cette contemplation pourrait être celle du cinéma lui même, fantasme d'amour comme de pulsion destructrices.