« This song of the Man and his Wife is of no place and every place; you might hear it anywhere at any time. ». C'est avec ces mots que débute « L'Aurore » de Murnau. Des mots qui disparaitront vite, pour laisser parler la puissance des images. Des mots qui nous indiquent aussi, d'entrée de jeu, que le film ne va pas nous raconter l'histoire d'un homme et d'une femme en particulier, mais bien des personnages symboliques, qui représentent l'Homme et la Femme en général. Le film mettra en scène leur histoire, leur sentiment, et parviendra à leur offrir une dimension universelle et intemporelle. La recherche de l'amour, la rencontre entre l'homme et la femme, avec les difficultés et les réussites en même temps. A cette première thématique, Murnau ajoute la recherche de l'espace : les personnages tenteront de trouver le meilleur endroit pour tenter d'exprimer leur amour. Il sera alors question d'une opposition entre la nature et la ville. Pour ces deux niveaux, Murnau proposera un film en mouvement, entre le jour et la nuit, entre le bonheur et le malheur, entre l'amour et la mort, entre l'ombre et la lumière. Une préoccupation qui rappelle celle de Terrence Malick, par exemple, dans le cinéma contemporain. Mais revenons à Murnau, et à la manière magistrale avec laquelle il traduit visuellement ces thématiques universelles. Quelle beauté! Murnau parvient, peut être mieux que jamais, à exprimer toute la puissance visuelle du cinéma. On a l'impression de pouvoir arrêter le film sur n'importe quel plan, pour admirer un vrai tableau, une véritable oeuvre d'art. La nature est filmée dans toute sa beauté, sa pureté, mais ses dangers également. La ville moderne est captée de façon très mouvementée, vertigineuse. Et les plus belles images sont peut être celles où Murnau parvient à fusionner les deux, en traduisant visuellement les pensées des personnages, lorsqu'ils veulent vivre ailleurs : l'imagination vient donc dépasser la réalité, pour notre plus grand plaisir. Il ne faudrait pas oublier non plus toute la force de la légèreté du film de Murnau. Dans les scènes urbaines notamment, nous avons droit à beaucoup de scènes très drôles, avec un comique visuel très inventif. Poésie, humour, drame, intemporalité et universalité : tout, on retrouve tout ça, et sans doute plus encore, dans L'Aurore. C'est une histoire que vous pouvez entendre partout et de tout temps, mais peut être qu'elle n'a jamais été aussi bien contée que dans ce film muet de 1927...