Alors qu'on parle de 3D, de modernisation radicale du processus d'élaboration d'un film, d'images de synthèse, de systèmes de caméra ultra-sophistiquées, nous arrive en ce mois de février 2010 un film d'animation réalisé en 2D et en stop-motion (image par image) à la manière des films de Starewitch ou du premier King Kong, avec des marionnettes exclusivement fait maison et pur produit artisanal.
Et c'est par là qu'on accueille d'autant plus ce nouveau opus du réalisateur de La Famille Tenenbaum et de La Vie Aquatique avec les bras ouverts. Plus que jamais ce sont ces films-là et ces cinéastes-là qui importent: ceux qui font fi des modes, des époques, des courants, des conventions, des codes.
D'autant plus qu'il s'agit sans aucun doute du meilleur film de Wes Anderson. C'est dans l'écrin de cette forme du film d'animation 2D en stop-motion avec des marionnettes traditionnelles, que le style aigre-doux de ce clown triste aussi burlesque qu'émouvant nous parvient avec une admirable évidence. Il a trouvé ici une forme pour coller parfaitement à sa truculence pathétique, à son humour terriblement attachant.
D'ailleurs en adaptant cet écrit de Roald Dahl Anderson ne renonce en rien à ses préoccupations habituelles.
Mais ici, au lieu de nous parvenir comme un brouillon (A bord du Darjeeling Limited précédé d'un court-métrage, expérimentation en stop-motion pendant La Vie Aquatique), Fantastic Mr. Fox nous parvient comme une oeuvre rigoureuse et d'une infaillible cohérence, unité. La crème et la sève des thèmes du réalisateur y sont très bien intégrés: la famille décousue, les marginaux, la normalité, l'amitié imprévisible...
Puis, il faut bien se rendre compte du fait que ces 1h28 de dessin-animé adapté de Roald Dahl sont un bonheur enchanteur et profond, dont il serait d'ailleurs dommage de se priver. Relevons dans ce sens des trouvailles inventives ("2 années ou 12 années-renard plus tard" écrit un intertitre), une réjouissante bande-son où se côtoient sympathiquement George Delerue, Cole Porter, Alexandre Desplat, Mozart, les Beach Boys et la mélodie de Davy Crockett, en passant par des personnages diablement attachants (que ce soit Mr. Fox, son ami l'ottopossum ou même les irrésistibles trois fermiers Boggis, Bunce ou Bean, et cetera), ainsi que des clins d'oeil malicieux aux western spaghettis de Sergio Leone dans le duel final entre fermiers et animaux ou encore la bonne humeur et l'entrain communicatifs (scène magique dans le supermarché où Fox lève un toast pour le moins inhabituel: "Levez vos boîtes") dont sont emprunts le long-métrage dans toute sa durée.
Pétillant comme du champagne, savoureux comme de la crème chantilly ou des profiteroles au chocolat, émouvant, malicieux, original, drôle, inventif, Fantastic Mr. Fox est une dose d'énergie, une bouffée d'air frais et une pêche garantie à la clé!