Commencons par la bonne nouvelle : Jalil Lespert sait filmer. La mauvaise, c'est qu'il ne filme rien. En fait, "24 mesures" est un film dont la construction demeure un mystère ; on ne perçoit tellement pas le but, l'interêt de l'arrivée finale, qu'on ne peut que rester de marbre face à ces êtres écorchés dans la nuit. La façon dont ils se relient (n'est pas Innaritù qui veut), par tranches scénaristiques discutables, devrait donc amener à un point fort. Mais non. Tout est tellement sur la même ligne que l'on ne différencie plus les moments puissants des moments faibles, ou intimes. Tout est cru et malsain, chamboulé et vif, magnifiquement filmé, mais malgré la beauté plastique du film, on ne sait pas trop quoi en saisir. Le travail sur l'ambiance est extrêmement précis, la bande-originale laisse un mystère nostlagique planer tout durant sur le film, et les acteurs, pour la plupart (Bérangère Allaux en particulier), sont crédibles. Pourtant, il n'y a pas d'éblouissement ni de fureur, parce que Jalil Lespert utilise les drames des gens comme autant de passerelles pour nous amener vers d'autres drames, et donc d'autres gens. Au final, on ne peut s'attacher à tous ces personnages violents et violentés, parce qu'il leur manque une profondeur, et aussi parce que tout va (beaucoup) trop vite. Le montage est étrange et plutôt désagréable, les liaisons entre les personnages sont maladroites, et comme tout ces gens ne sont censés avoir aucun liens intérieurs ou points communs (le réalisateur a en plus choisit des êtres complètement opposés, vivant dans des univers sombres mais chacun d'une différente manière, donc la difficulté de relation est encore plus grande), et que Jalil Lespert n'a pas encore la maturité nécessaire, on assiste à un semblant de virtuosité, à une oeuvre obscure (dans tous les sens du terme) et inégale, glauque et incertaine. Le monde du jazz par exemple, laissé ici à l'état de décor, aurait pu être creusé d'avantage : on ne peut se contenter du simple dé