L'histoire d'un espion britannique qui tuait plus vite qu'il ne posait de questions. Mais peut-être n'avait-il pas besoin des réponses ?
Que de chemin parcouru depuis les premiers James Bond ! Du beau gosse un peu viril au dandy plaisant sans angles puis quelques hésitations pour prendre finalement un vieux beau avec enfin un vrai de vrai, un boxeur, un tueur, un espion des vraies guerres, simple et pas toujours si classe ni drôle.
Mark Forster n'a pas un rôle facile, on lui donne la mission d'en finir avec le James Bond des bons pères de famille, frustrés de filles faciles à la pelle, voulant voir comment c'est jouissif de claquer le fric du gouvernement dans des soirées casino où rien ne fera avancer l'enquête, ou encore de s'amuser avec des tas de gadgets qui correspondent exactement au problème qui va se poser. Difficile de tirer un trait sur tout ce qui faisait le charme désuet et passe partout des James Bond de Roger Moore, celui qui a cultivé l'extrême dans ce domaine, parfois en pleine niaiserie.
Et pourtant, le vrai espion de Flemming est un peu plus méchant et mauvais garçon que ça, sans parler du fait que les vrais méchants ne sont pas vraiment tendres. Alors certes, il manque un peu de l'humour des livres, mais la force virile est revenue, le féminisme un peu plus respecté, elles ne tombent pas toutes dans son pieu, et les enquêtes avancent à la sueur du front et de la technologie bureaucratique, pas dans les soirées mondaines.
L'intrigue est simple, et on ne comprend pas tout de suite le lien avec le pétrole, mais le rythme, le charisme du tueur aux yeux bleus sans aucun scrupule pour mener sa guerre personnelle, tout tombe sous le sens. On peut déplorer la manière de filmer les cascades, trop hachée, américaine et hype, mais c'est une manière de secouer le mythe, et d'en finir avec les cascades à la Rémy Julienne, où l'on s'attend toujours à voir les cartons de la réception du cascadeur en plan séquence interminable.
L'Aston-Martin est passée à la trappe dès les premières minutes, normal, dans les caraïbes, c'est un peu voyant ! Pas de gadgets, normal, les pectoraux et les vrais flingues de mec, c'est ce qu'il y a de plus efficace contre les méchants. Pas de femmes dans tous les ports, normal, elles ont du caractère, à part la potiche des archives. Que du bon !
Vraiment, sur tous ces points, on retrouve de vrais agents secrets, pas des vitrines à sourire. Zéro défaut pour cette nouvelle approche, dommage qu'elle n'ait pas repris le dessus plus tôt.
Pour le reste, la musique est correcte, les acteurs plutôt sympa, même si Amalric est loin de la perfection des autres méchants, mais ce n'est pas si mal, de montrer que les intellos trouvent leur place dans le monde des salauds, ce sont eux qu'on soupçonne le moins de vous rouler dans la farine, surtout avec de bons sentiments manipulés. Et puis au moins, on évite la fin du monde à répétition, on parle de pouvoir économique redoutable, et c'est tout, c'est suffisamment immonde comme ça.
Tous les mythes du pouvoir et de l'argent tout comme des enjeux économiques sont démontés avec des twists pas trop mal amenés.
Peu d'humour, mais on évite la niaiserie des autres Bond, et personne ne va s'en plaindre.
Si on excepte certaines ellipses, comme l'attaque du complexe en plein désert sans se faire repérer, ou la chance générale pour s'en sortir, moins visible dans « Casino Royale », on ne peut pas vraiment faire la gueule. Éventuellement, les cascades aériennes qui manquent de suivi ou d'explications pour comprendre l'astuce du décrochage du monomoteur, réservée aux initiés.
Pour couronner le tout, il y a de très bonnes scènes, comme l'opéra avec l'action en clip vidéo silencieux, la plupart des poursuites à pied vraiment haletantes, ou encore le rythme très soutenu, que reprocher de grave à ce film d'espionnage efficace, viril et prenant ?
Uniquement de mettre à mal 30 ans de James Bond à la Disney, ce n'est pas si grave, les pères de familles d'aujourd'hui sont à moitié divorcés, leurs enfant sont au chômage ou payés au Smic, la facilité de Roger Moore serait trop invraisemblable pour déplacer les foules désabusées du 21ème siècle.