Film le plus attendu de l'année par bon nombre de spectateurs moi y compris, "Interstellar", le plus ambitieux des films de Nolan, a évidemment tout d'un film de Nolan. Une réalisation académique mais efficace, Zimmer à la musique, mais surtout cette obstination à représenter le plus fidèlement possible la réalité en premier lieu. Et de là découle un peu le fait que ce "Interstellar", même si la note en dit long sur mon ressenti global, est bien plus imparfait qu'un "Inception" ou qu'un "Dark Knight" parce que pour celui-ci, j'ai des choses à y redire sans pour autant aller enculer les mouches. Nolan est visiblement un homme de sciences et le moins qu'on puisse dire c'est que cela se voit dans son film plus qu'aucun des autres de sa filmographie. Le fait est que le commun des mortels n'est pas forcément au courant de tout ce qui touche aux trous de vers, équations gravitationnelles et autres paradoxes temporels avant d'aller voir le film, donc Nolan explique. Et je ne m'en plaint pas, moi qui ait arrêté les maths après la seconde. Sauf que du coup des trucs à dire, ça en fait beaucoup pour nos pauvres personnages, Nolan préférant sur-expliquer que jouer sur le "ta gueule c'est scientifique" même si je ne doute pas de la crédibilité de ce que le film avance, ce qui est louable mais déshumanise un peu les personnages (les I.A. qui se permettent de lancer des vannes étant peut-être les plus "humains" du lot, paradoxal, en tout cas leur design est génial) qui n'ont pas le temps de parler d'autre chose: la relation entre la fille Brandt et son père par exemple gagnerait à être un peu mise en avant de quelques lignes de dialogues, d'autant que quand c'est le cas le tout a quelque fois l'air d'une rédac de philo autour d'un café, plus encore que d'habitude chez Nolan ("l'amour transcende les dimensions", mouais...). Pour le coup l'exposition de "Inception", elle, n'était pas néfaste pour les personnages. Et puis paraphraser sans cesse l'action enlève sérieusement du cachet à certaines scènes, où tout cela coule de source pour le spectateur qui aimerait mieux qu'on le laisse faire marcher son cerveau en paix, surtout la partie "imagination". Là je pense en particulier à la scène de la "bibliothèque", ce qui ont vu le film comprendront. Pour en finir avec les reproches, Wally Pfister s'étant absenté pour réaliser cette merde de "Transcendance", une poignée de choix hasardeux de réalisation sont à noter, mais rien de méchant. Surtout quand on compare aux nombres de plans dits "décroche-mâchoires" qui retranscrivent à merveille la sensation d'isolement que procure l'espace, le fait d'être plus loin de chez soi que l'on ne l'a jamais été, mais surtout l'aspect infini de l'espace, le tout dans un pur crescendo. D'ailleurs "Interstellar" fait pas mal penser à "Inception" pour cette raison: plus le personnage s'enfonce dans l'inconnu (l'infinité de l'espace ou les méandres de l'esprit humain) moins il est certain de rentrer un jour chez lui, une sensation extrêmement dérangeante et fascinante dans laquelle Nolan est décidément passé maître. Bon,le film m'a laissé "sceptique" pendant un moment, je n'arrivais pas à écarter les deux ou trois défauts du film de ma tête. J'ai quand même depuis le début adoré la vision de l'apocalypse par Nolan, qui a plus l'image d'une lente agonie là où elle est le plus souvent décrite comme brusque. J'adore aussi les thèmes du film, en particulier l'incapacité de l'humain à raisonner en tant qu'espèce, seulement en tant qu'individu, et sa volonté de survivre par tous les moyens, de quelque façon que ce soit. En ce sens le personnage joué par une vedette surprise est extrêmement intéressant, même si voir l'acteur en question à l'écran m'a un peu sorti du film: c'est un de ces acteurs si connus et si omniprésents qu'à moins d'une performance incroyable ou un changement physique suffisant, je vois souvent plus l'acteur que le personnage et c'est un peu le cas ici. Mais franchement c'est une fois démarrée cette foutue scène de la bibliothèque que mes mâchoires déjà bien ankylosées m'ont finalement lâchées. J'ai détesté le fait que tout le monde ne vende ce film que par "Nolan fait son "2001" " parce que non, Nolan ne fait pas son "2001", ce serait d'une ambition franchement au ras des pâquerettes, il fait son "Interstellar", point. Mais il doit quand même y avoir une part de vrai là-dedans, parce que cette fameuse scène m'a quand même beaucoup fait pensé à la porte des étoiles du film de Kubrick -en plus explicative cela dit, trop même. Mais voir Nolan enfin se libérer de ses bouquins de sciences pour enfin se consacrer pleinement au "fiction" qu'il y a dans "science-fiction" et entraîner le spectateur dans ses délires métaphysiques, ça m'a fait l'effet d'aller au cinéma pour la toute première fois. Le tout étant juste sublimé par des acteurs tous sans faute et par les compositions d'un Hans Zimmer qui met ses détracteurs profondément dans la merde, la musique à elle seule en a sûrement fait pleurer plus d'un, comme quoi entre lui et Nolan le courant passe toujours. C'est bien simple, le temps et l'espace se mélangent littéralement en face d'un tel film, donc autant dire que les deux heures cinquante passent comme une lettre à la poste et j'en reprendrait bien deux heures cinquante de plus. En dépit de ses quelques défauts, "Interstellar" m'a fait revivre des sensations que je n'avais pas ressenti devant un film depuis des années, autant "2001" m'avait laissé indifférent (quoique Nolan aurait encore à apprendre de Kubrick pour ce qui est de faire travailler l'imagination du spectateur), autant je suis tombé des nues devant le dernier bébé de Christopher Nolan. Pas son meilleur, peut-être pas mon préféré, par contre le film de l'année ? Y'a pas photo.