Cette critique a été écrite en 2014 mais je ne le savais pas.
A l'époque, je faisais comme à chaque fois que mon entourage, les journalistes et le monde du cinéma s'enflammaient et sortaient leurs éloges de leurs étuis pour les pointer dans ma direction comme deux flingues me sommant (et m'assommant) de voir Interstellar: je partais à contresens. Souvent à raison, parfois à tort, il y a toujours eu cette force inconnue qui me pousse dans la salle obscure mitoyenne au film que tout le monde veut voir. C'est con me direz-vous car j'adore Matthew McConaughey et, je m'en rends compte véritablement maintenant, j'adore Christopher Nolan. Un rapide retour à sa filmographie pour exhumer jusqu'à The Following en passant pour Memento et Le Prestige, de véritables petits tours de force, pour dire que sans l'avoir jamais sous-estimé, j'avais du mal à me rendre à l'évidence que cet homme sait s'y prendre pour nous surprendre et torturer notre esprit et nos émotions, même lorsqu'il s'atèle à la lourde de tâche de ressusciter Gotham en trois temps.
Dès les premières minutes d'Interstellar, je savais que j'avais mis les pieds dans quelque chose de grand sans même faire appel au tapage médiatique de l'époque. Et Matthew McConaughey était loin d'être étranger à cette sensation, Nolan non plus. Pour l'un, c'est ce rôle de père aimant si bien retranscris qu'il nous faut très peu de temps pour réfuter toute possibilité de voir un autre acteur l'incarner; Pour l'autre, c'est la formidable découverte, au travers de cette famille, d'un monde et d'une temporalité qu'on pensait être la notre. Mais doucement, les choses se découvrent à nos yeux et ce qui avait commencé comme la journée d'un homme, va petit à petit se muer en une vie pour l'humanité.
Au delà de sa dimension spatiale et aventureuse, de ses images marquantes d'une nature hostile sur ces planètes potentiellement propices à redémarrer l'humanité, c'est le lien unissant Cooper à ses enfants qui fera toute la force de cette tragédie fantastique où les temporalités sont malmenées au point de redéfinir le champ des possibles pour nous offrir des hypothèses perturbantes et contre nature. De quoi amener des questionnements sur nos liens, nos choix, nos rôles, sur ce que nous laissons, donnant une importance significative à ce que nous sommes pour nos proches, à ce que nous avons besoin d'être les uns pour les autres, à ce besoin d'être les uns avec les autres, tout en nous rappelant sans cesse à chaque plan large intergalactique que nous sommes si peu de choses.
Pourtant, aussi futile qu'il puisse nous représenter, d'abord face à une nature qui se retourne contre nous à cause de nos choix, puis face à l'immensité de ce que nous ignorons, Nolan semble mettre tous ses personnages face à leurs décisions, assumées ou non. Et lorsque la conclusion aux accents de physique quantique pointe sans que l'on s'y attende le bout de son hypothèse, tout prend une autre dimension (la 5ème pour être exacte) et on se rend compte que pour chacun d'entre eux, tout était question de fuir où d'y faire face.
Interstellar est un grand film, une petite histoire familiale dans une immense fresque humaine. C'est un cri du cœur face au temps qui passe, face à l'instant, face à ce qui nous lie et nous retient ou nous libère selon ce que l'on choisit d'en faire, selon que l'on accepte ou non, la mort de la lumière.
"Rage, rage against the dying of the light."
J'ai écrit cette critique en 2014, sous l'impulsion du moi de 2023, piégé dans un monde infini et prêt à se recroqueviller sur lui même. Alors si vous ne l'avez pas encore vu, à des années de tout l'encre qu'il a fait couler, je ne peux que vous conseiller de vous laisser entraîner dans cette étrange expérience temporelle. Vous ne serez-pas déçu, où peut-être l'êtes-vous déjà ?