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cylon86
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3,0
Publiée le 22 mars 2016
Kiichi Nakajima est un vieil industriel japonais rongé par la peur d'une nouvelle attaque atomique sur le pays. L'homme est prêt à toutes les concessions, y compris la dilapidation de l'héritage familial, pour partir au Brésil, le seul pays qu'il juge sûr. Face à sa paranoïa, sa famille souhaite le placer sous tutelle, protégeant leur petit confort matériel. Ce qui frappe avant tout dans "Vivre dans la peur", c'est son sujet. Dix ans ont passé depuis Hiroshima et Nagasaki et le Japon ne s'est pas encore relevé de ces traumatismes. Au moment où Kurosawa réalise le film, les américains font encore des essais nucléaires dans l'atoll de Bikini. La peur du nucléaire est donc omniprésente et le cinéaste s'y attaque frontalement. Il le dira lui-même : ''J'ai écrit ce film pour me réveiller. […] Nous étions décidés à faire une œuvre honnête dont nous pourrions demander jugement devant Dieu. Tant pis si elle est contradictoire et bizarre ! J'ai voulu dire les paroles que je ne pouvais retenir.'' Des paroles qui résonnent encore de manière tout à fait juste aujourd'hui. Il faut imaginer alors la puissance du film lors de sa sortie en 1955 ! Nakajima est peut-être un peu extrême dans ses décisions mais sa peur est justifiée et s'il veut mettre en péril son usine, c'est pour pouvoir emmener toute sa famille au Brésil avec lui, y compris ses enfants illégitimes. La critique que fait Kurosawa est donc virulente, mettant en exergue deux générations de japonais différentes, la nouvelle misant tout sur l'individualisme et l'argent alors que l'ancienne se moque de l'argent au profit de la sécurité des siens. Le constat est glaçant, la peur décrite est puissante mais malgré tout "Vivre dans la peur" reste une œuvre imparfaite et parfois un peu lisse. Le sujet est fort mais la mise en scène du cinéaste n'est pas la plus inspirée. Il faut dire que le scénario est un brin répétitif et un peu trop démonstratif. On admirera le manque de subtilité autant qu'on le regrettera un peu car on aurait voulu une œuvre encore plus dense et plus prenante. Dominant cette histoire, il y a tout de même Toshirô Mifune qui interprète le rôle du vieux Nakajima alors qu'il a seulement 35 ans. Il livre là une composition dont lui seul a le secret, jouant la vieillesse comme s'il la portait sur ses épaules, méconnaissable de bout en bout et totalement investi pour le rôle. Une prestation qui vaut à elle seule la vision de ce film humaniste et ambitieux pétri aussi bien de quelques défauts que de bonnes intentions.
Un des rares Kurosawa auquel je n'ai pas vraiment accroché. Il m'a semblé que le personnage de Shimura était trop en retrait dans le scénario et pas assez abouti, un simple spectateur face à l'immense Toshiro Mifune qui semble se donner lui même la réplique. Pour une fois le rythme lent imposé par le sensei m'a ennuyé, car en effet Kurosawa aime prendre son temps (et il a fortement raison! C'est le piédestal du succès de son oeuvre, principe que reprendra fort bien Sergio Leone). Un film à voir pour la prestation de Mifune comme toujours au-dessus de tout, la réflexion du film sur la peur générée par la société (symbolisée par la peur de l'attaque nucléaire) est-elle aussi très intéressante mais aurait mérité un personnage supplémentaire au niveau de Mifune pour une narration plus captivante.
Attaché, de façon plus ou moins évidente, dans tous ses films à la condition de la Nature, Akira Kurosawa aborde frontalement dans «Ikimono no kiroku» (Japon, 1955) la terreur nucléaire. Kiichi Nakajima (Toshirô Mifune), patriarche d’une riche famille industriel, n’aspire qu’à un seul souhait : fuir le Japon pour se réfugier au Brésil. Considéré comme fou par sa famille, le vieil homme tombe progressivement dans la paranoïa la plus craintive. Tant que son entourage fait appel à la justice pour le déposséder de ses biens. Un dentiste (Takeshi Shimura) est appelé par l’institution judicaire pour servir de médium entre la famille et le père. La peur croissante de Nakajima déteint doucement sur le dentiste, qui en vient dès lors à douter de sa sécurité et de sa sureté. Se déroulant souvent dans des lieux clos, bureaux des palais de justice ou salles des maisons japonaises, les lieux extérieurs n’apparaissent que pour signifier la terreur d’une possible attaque nucléaire. Après avoir réalisé son plus grand chef-d’œuvre, «Shichinin no samurai», Kurosawa pratique une des ambivalences que cultive son cinéma : passer d’un film d’époque à une fresque sociale contemporaine. La tragédie de cet homme seul, considéré comme décadent par ses proches, emprunte une des craintes majoritaires dans le Japon des années 50. La peur du nucléaire, qui plus que le Japon touche le monde entier, s’incarne dans le corps inhabituellement frêle de Mifune grimé en vieillard. La prise de conscience du dentiste, à force de côtoyer le vieil homme, est celle de la vox populi. Kurosawa ne fait pas encore appel à la puissance critique que pourra avoir «Warui yatsu hodo yoku nemuru». Cela pour une raison de format puisque le film de 1960 dispose du Tohoscope (ratio 2.35 : 1). Les seules dernières séquences, dans l’asile, où le soleil brille au lieu, se référent aux milles feux de la bombe H, évoque de façon plastique la résurgence éventuelle d’une charge nucléaire.
Un des films les moins connus (et un des 1ers échecs commerciaux) de Kurosawa et pourtant c'est un de mes favoris du réalisateur. Mifune est méconnaissable en vieillard mort de peur mais aimant sa famille. Kurosawa nous décrit (un peu comme dans Rhapsodie En Août) des enfants souvent ingrats et obnubilés par l'héritage familiale. Au finale, la question posé par ce film est la suivante : est-ce le vieillard paranoïaque le fou ou bien nous qui vivons dans le calme sachant ce qui peut nous menacer? Une question encore terriblement d'actualité!