Pour son premier film, Céline Sciamma vise déjà très haut avec cette Naissance des pieuvres, qui n'est ni plus ni moins qu'un petit, timide, sobre et modeste chef-d'oeuvre.
L'été quand on a 15 ans. Rien à faire si ce n'est regarder le plafond. Elles sont trois : Marie, Anne, Floriane. Dans le secret des vestiaires, leurs destins se croisent et le désir surgit. Si les premières fois sont inoubliables, c'est parce qu'elles n'ont pas de lois. C'est dans la froideur arrogante et glauque d'une piscine municipale vide en plein mois d'Août, où s'entraîne une équipe de natation synchronisée, que se déroule l'action du film. L'oeuvre se présente vite comme une vision juste, sincère et réelle de l'adolescence, ce passage de l'état d'enfant à celui de jeune adulte, ainsi que de l'éveil sexuel et sentimental. Pour cela, la réalisatrice nous offre un univers, un ton, une mélodie directe, amère, cruelle, personnelle, marquante, travaillée, sans compassion ni tabou (Contrairement à ceux qu'ont les personnages des jeunes adolescentes.) Céline Sciamma procède à une véritable dissection, à une véritable analyse des codes du teen-movie, dans laquelle elle s'amuse à retirer avec une facilité déconcertante tout ce que ce dernier a de cliché, de superficiel, de caricatural et de drôle, afin de dévoiler la terrible réalité qu'il y a sous ce vernis rose bonbon.
Naissance des pieuvres se révèle donc être un film froid et quasi-médicinal nous offrant une vision acerbe et respirant le mal-être du désir adolescent. La situation présentée est celle de trois jeunes filles, absolument terrorisées à l'idée de leur première fois, mettant cela sur le compte de l'obligation et confondant aveuglément amitié, amour, sexe, désir et mécanisme. Pour un premier film, c'est donc une totale réussite de la part de Céline Sciamma, qui a parfois quelques airs de Sofia Coppola dans les thèmes qu'elle choisit d'aborder, dans son fond très torturé et dans son esthétique vide, peu bavarde, mais où la mise en scène et les actions d'apparence anodine des personnages en révèlent beaucoup sur leurs sentiments et sur ce qu'ils n'osent pas dire à haute voix.
En conclusion, Naissance des pieuvres est une oeuvre fascinante à pénétrer, à traverser et à explorer, le tout avant d'en ressortir l'esprit fébrile, confus et rempli d'interrogations. Céline Sciamma, réalisatrice du récent Tom Boy, son second film, est incontestablement une future grande à suivre de très près.