Il arrive que le cinéma nous réserve des surprises là où on ne les attend pas. C’est le cas de ‘Naissance des Pieuvres’, premier film virtuose de Céline Sciamma, dans lequel la jeune réalisatrice impose un style singulier, un univers personnel. On sait le thème de l’adolescence rebattu, mais pourtant on semble le redécouvrir avec ces pieuvres. Loin des clichés traditionnels sur le sujet, la réalisatrice pose un regard subtil et étonnant de justesse. Ne cédant jamais à la facilité, elle cherche à capter les sentiments qui habitent ses héroïnes, cela le plus naturellement possible, sans jamais se montrer démonstrative.. Pas d’analyse précise des sentiments, juste un regard sur la complexité d’un âge où l’on est en quête de sa propre personnalité et que l’on éprouve les premiers désirs amoureux et sexuels. C’est là le thème du film : la naissance du désir. Un désir trouble, inexplicable, mais qui anime les héroïnes. Sans trop de pudeur ni trop de voyeurisme, le film se focalise sur trois adolescentes, chacune confrontée à ses problèmes liées à la découverte du corps, de la sexualité. Même sur un sujet scabreux comme l’homosexualité, Céline Sciamma le filme avec un naturel et un détachement troublants. L’atout majeur du film, c’est la vraie alchimie entre la forme et le fond. Les choix dans la réalisation sont réfléchis et cohérents. Le film est volontairement intemporel, centré uniquement sur les trois filles comme pour mieux pénétrer dans leur monde, et se situe dans un lieu tout à fait anonyme : ce qui les entoure n’a pas d’importance car tout se passe en elles. Avec une mise en scène audacieuse, C. Sciamma trouve la métaphore pour illustrer l’adolescence : la natation synchronisée. A la surface, l’apparence. Sous l’eau, l’agitation. Jamais caricatural, toujours nuancé, le film révèle trois talents : les actrices sont toutes remarquables. La musique, signée Para One, parachève la réussite du film, et prend toute son intensité dans un final magnifique.