Du film sur l’adolescent, le cinéma français en a récemment été très productif : «Et toi, t’es sur qui ?» (2007) de L. Doillon, «Hellphone» (2007) de J. Huth, «Meurtrières» (2006) de P. Grandperret, etc… «Naissance des pieuvres» (France, 2007) de Céline Sciamma pourrait être un de ceux là. Le film de Sciamma, scénariste de formation, se concentre sur l’intimisme de la relation d’un trio davantage que sur la véritable analyse de l’adolescence féminine. Le trio se compose d’une fille charnue pratiquant avec maladresse la natation synchronisé, d’une jolie fille à la mine arrogante, et une troisième, amie avec les deux séparément et garrot du film. De la naissance, il y a la création (du moins la métamorphose) de la troisième fille, qui est premièrement davantage à l’image de la fille potelée puis «se transforme» en la deuxième fille. Il y a également la découverte de sa son homosexualité. Sur ce point sensible, Sciamma reste d’ailleurs évasif, non par fausse pudeur mais par respect pour la délicatesse du sentiment naissant. Des pieuvres, il y a cette idée de flexibilité. Les trois adolescentes sont en effet sujets à de vifs renversements émotionnels. Tantôt fille amoureuse et puérile, tantôt fucking friend malgré elle pour la première fille ; tantôt fille facile et froide, tantôt amie sincère et attirée pour la deuxième. La troisième reliant les deux personnages incarne le plus aisément la métamorphose opéré par le film. Axés sur les accointances, les fils qui relient les personnages forment la toile du film. Car plus que l’intrigue, l’esthétique des plans se voit aussi axé, comme géométrisé, les lignes s’entrecroisant comme les imbroglios de la pieuvre. De la naissance de ces pieuvres, adolescentes mutant, s’ouvre une étrange conclusion qui semble renouer la boucle, remettre en place la hiérarchie de départ. Comme une pieuvre en alerte qui changerait de couleur, le film est cet instant de l’alerte où l’émoi de l’adolescence interpelle les palettes de nos sentiments.