Après les succès d'American Beauty et Les Sentiers de la perdition, la société de production de Sam Mendes se vit proposer divers scenarii dont celui de Nos souvenirs brûlés. "Allan Loeb a signé là une histoire originale et émouvante, déclare le réalisateur-producteur. Rares sont aujourd'hui les scenarii qui sont à la fois basés sur des interactions personnelles ET conçus à l'échelle d'un film, et non d'une simple dramatique télé." Sam Mendes décida de produire Nos souvenirs brûlés et se mit en quête d'un metteur en scène : "J'ai senti qu'il fallait un cinéaste doté d'une sensibilité et d'un talent particuliers pour restituer l'esprit du matériau." Mendes songea alors à Susanne Bier, qu'il compare volontiers à des réalisateurs venus apporter récemment leur contribution au cinéma américain, tels Fernando Meirelles ou Alejandro González Inárritu : "Leurs films relèvent de la même esthétique "brute", en prise directe avec le réel, et très éloignée du style américain ou anglais."
Halle Berry souhaitait plus que tout le rôle d'Audrey. "Les bons rôles sont rares, surtout pour les femmes, explique-t-elle, et on ne les décroche pas sans se battre. Audrey n'avait pas été écrite pour une actrice black, et les gens ne me voyaient pas spécialement dans cet emploi. J'ai donc demandé très tôt à mon agent de m'arranger un rendez-vous avec la réalisatrice. J'espérais que Susanne ne me jugerait pas sur mon image." Susanne Bier évoque en souriant le spectacle d'une Halle Berry "non maquillée, les cheveux en bataille, et divinement belle". Mais elle fut surtout impressionnée par "l'intensité de son interprétation, la rage avec laquelle elle jouait ce rôle, les risques qu'elle prenait scène après scène."
Durant la phase de préparation au rôle, Benicio Del Toro se documenta sur la dépendance aux drogues, rencontra des experts médicaux et assista à des réunions de l'association Narcotics Anonymous. Sam Mendes se souvient : "Il s'est mis dans la peau du personnage et de tous ceux qui ont été accros. Il comprit qu'on doit les traiter de façon humaine, comme tous les malades."
Susanne Bier, dont les premiers films se rattachent à l'esthétique "Dogme" définie en 1995 par Lars von Trier et une poignée de cinéastes d'avant-garde, est connue pour l'extrême fluidité de ses mises en scène. "Elle utilise la caméra portée et colle de très, très près aux personnages, explique Sam Mendes. Rien n'est définitivement arrêté aux répétitions, et elle filme le plus souvent à deux caméras, dont elle accompagne les évolutions tout au long de la prise pour capter les moindres réactions de ses personnages. Ce qui l'intéresse, et qu'elle scrute avec passion, c'est l'être humain dans ce qu'il a de plus intime."
Durant le tournage, Susanne Bier et ses acteurs passaient chaque matin de 90 à 120 minutes à répéter les scènes de la journée. "C'était un processus évolutif, très ouvert, mobilisant toutes les facultés créatrices des interprètes, indique la réalisatrice. Les répétitions avaient lieu dans la maison qui constitue le décor principal du film. C'est là que nous déjeunions et dînions, que nous nous détendions en jouant au ballon dans le jardin. Cette cohabitation a créé un solide esprit d'équipe et aidé chacun à se mettre dans le bain."
Halle Berry confie : "Le script, c'est la bible, bien sûr, et nous souhaitons tous le servir. Mais Susanne tient aussi à ce que l'acteur s'approprie son texte, se le mette en bouche à partir du matériau écrit, tout en respectant le sens voulu pour l'auteur. Elle nous poussait aussi à nous écouter l'un l'autre, à essayer différentes interprétations d'une scène. J'ai ainsi émis certaines propositions qu'elle a reprises."
Susanne Bier expose son point de vue : "Je ne crois pas aux scènes "préfabriquées". Je crois nécessaire de travailler la scène à fond, mais aussi de rester ouvert aux suggestions des acteurs, surtout lorsqu'il s'agit de grands acteurs. Ils ont une connaissance intime de leur personnage et le chic pour nouer des liens étroits sur le tournage. On ne sait donc jamais le matin comment se déroulera la journée de travail, quelle tournure prendront les scènes. C'est exaltant... et terrifiant."
Avant de s'engager, la réalisatrice danoise Susanne Bier avait une inquiétude, celle ne pas jouir de la même liberté que dans son pays natal : "Je m'attendais à certaines restrictions. Je craignais qu'on me demande de penser davantage au grand public. Ce fut exactement l'inverse : on m'incita sans cesse à être plus audacieuse et plus radicale, à prendre plus de risques."
Le tournage de Nos souvenirs brûlés a débuté le 14 août 2006 et s'est essentiellement déroulé dans une spacieuse maison de Vancouver, dotée de nombreuses cloisons vitrées, aménagée par le chef décorateur Richard Sherman. "Les acteurs avaient toute liberté pour circuler à travers ce décor et explorer leur personnage, explique le producteur Sam Mercer. Susan et son opérateur les suivaient de près et pouvaient à tout moment improviser un mouvement, un cadrage imprévu. L'équipe devait donc être très vigilante, tant en ce qui concerne la préparation de la scène que le placement des lumières... et le choix des "planques" où elle se réfugierait durant la prise !"
Ancien chef électricien sur American Beauty et Les Sentiers de la perdition, le chef opérateur Tom Stern est également connu pour son travail sur de nombreux films de Clint Eastwood, dont Créance de sang (2002), Mystic River (2003), Million Dollar Baby (2004), Mémoires de nos pères (2006) et Lettres d'Iwo Jima (2007). A propos de la photo de Nos souvenirs brûlés, Susanne Bier déclare : "Il a dû éclairer tous les décors sur 360° pour nous permettre d'évoluer en toute liberté. Cela demandait un gros effort de la part de l'équipe car il n'y avait pas beaucoup d'endroits où elle pouvait se cacher durant une prise. Mais cette tension a eu aussi des effets très positifs."