Little Odessa est un excellent film de James Gray. Un de ces films marquant, fort, pertinent, avec très peu de loupés.
Malgré tout pour moi ce film n’est pas un chef-d’œuvre absolu. Quelques lenteurs, quelques personnages secondaires pas trop dégrossis, et une fin un peu abrupte qui est un peu moins forte que certains passages du film lui-même.
Mais bon, mis bout à bout ça reste des éléments de détails. Car oui, ce métrage reste excellent en dépit de cela.
D’abord le casting est top. Tim Roth est mémorable dans un rôle radical et anti-consensuel qui fait plaisir dans le genre. C’est un héros tout à fait antipathique, et je dois dire que Roth le campe avec un talent évident, trouvant là sans doute son meilleur rôle, et imposant sa finesse de jeu. Il fait face à un Edward Furlong qui était alors au top de sa carrière. Un rôle parfait pour lui que celui de ce jeune frère prêt à sombrer dans la mauvaise influence de l’ainé de la famille. Il était l’acteur tout trouvé, et on peut regretter qu’il ait lui-même plongée dans une décadence après toutes ses belles performances de l’époque. Enfin, quelques bons seconds rôles, avec le toujours solide Maximilian Schell, notamment. Le film repose largement sur cette belle interprétation.
Le scénario est lui aussi très bon. Très simple sur le fond, avec ce tueur venu dans son ancien quartier accomplir un contrat, le métrage séduit surtout par la façon dont Gray parvient à élargir son propos. On assiste moins à un film de gangsters qu’à un drame familial, et à la description aussi réaliste qu’onirique du quartier de Little Odessa. En effet, le film fait follement authentique, et en même temps le rythme, la tonalité mélancolique et crépusculaire, l’absence de certains lieux communs du film de gangster (la police par exemple), fait qu’on a l’impression d’être dans un rêve ou un cauchemar irréaliste. L’histoire est en plus narrée avec une maitrise évidente, et aucune scène n’est de trop. Vraiment un fond riche, et un grand nombre de scènes fortes qui retiennent l’attention.
Sur la forme Little Odessa est donc une grande réussite par son ambiance. Se déroulant l’hiver, le film est tout en teintes froides, bleutées, se déroule volontiers la nuit, et le mélange avec cette ville sans nature, décrépie à bien des égards fait des miracles. Le film n’offre quasiment aucune lueur d’espoir, et le résultat est un régal de film noir, porté aussi par une mise en scène magistrale qui s’intéresse autant aux acteurs qu’au quartier lui-même. On sent que le réalisateur voulait vraiment en faire un acteur si ce n’est l’acteur premier de son film, et Gray faisait déjà preuve ici de son application formelle et de son sens de l’image. Et de la musique aussi, car la bande son est brillante.
Franchement, rien à redire de significatif sur Little Odessa. C’est un très bon film, rigoureux, où les aspérités restent minimes. C’est vrai que parfois Gray a un peu de mal à naviguer entre le drame, le polar noir, voire le film social, et que certains trouveront des éléments d’arrière-fond peu développés (la maladie de la mère, le personnage d’Alla), mais pour un premier film c’est tout de même de haute volée, et j’aimerai que tous les films affichent cette qualité générale. 4.5