Suite à son retour dans Les Diamants sont éternels, Sean Connery décide d’en finir définitivement avec James Bond (même s’il ne faut jamais dire Jamais plus jamais). Vu le peu de succès commercial rencontré par l’épisode George Lazenby, de son remplacement dépendait la survie de la série cinématographique.
Heureusement, le choix de Roger Moore (qui avait été approché à deux reprises par le passé et qui avait déjà interprété 007 dans un sketch télévisé en 1964) pour Vivre et laisser mourir réussit à rencontrer les faveurs du public. Ce succès provient sûrement du fait que Moore ne cherche jamais à singer Connery et apporte sa propre personnalité : moins violente, plus distinguée et plus portée sur l’humour. Ce dernier, qui est caractéristique de cette période du personnage, est encore assez discret : si on excepte le personnage du shérif Pepper (qui reste cependant assez drôle), on ne tombe pas dans l’aspect guignolesque et lourd des derniers épisodes de l’ère Moore.
La production choisit également de marquer une différence claire avec les derniers épisodes. Ainsi, M se rend directement chez 007 pour lui annoncer sa mission, le personnage de Q disparaît (mais est cité) et les gadgets sont réduits au minimum, ce qui est assez drôle quand on connait leur déluge qui marquera les autres films interprétés par l’acteur. De même, l’action est globalement plutôt réaliste, si on excepte la course-poursuite nautique finale, mais reste palpitante.
Le changement est aussi à l’ordre du jour d’un point de vue musical. John Barry est donc oublié au profit de George Martin, le producteur des Beatles, qui confie la chanson-titre (une des plus mémorables de la série) à l’ancien membre du groupe, Paul McCartney. Quand on pense que dans Goldfinger, Bond estimait qu’il fallait écouter les Beatles avec des boules Quiès, on comprend que les temps ont changé.
Autre différence notable, le méchant ne possède strictement aucun lien avec le Spectre (seul Goldfinger était dans ce cas). Il ne possède d’ailleurs aucun lien non plus avec l’U.R.S.S. comme dans le roman (dont il est tout de même assez éloigné) mais le dictateur d’une île fictive étant à la tête d’un réseau de trafic de drogue et adepte des rites vaudous.
Le film possède donc une légèreté qui évite le ridicule assez plaisante mais cela ne l’empêche pas d’avoir certains points négatifs. On pourra ainsi regretter, vu d’aujourd’hui, que la volonté de coller à la Blaxploitation entraîne une vision assez maladroite de la question raciale qui touche de plein fouet les États-Unis à cette époque (nous sommes en pleine période des Blacks Panthers) : à l’exception de deux personnages très secondaires (dont Quarrel junior, qui est visiblement le fils du Quarrel présent dans James Bond 007 contre Dr No), les personnages noirs sont tous méchants ou sous l’emprise de Kananga (même la 1ère James Bond girl noire, Rosie Carver, se révèle agir par peur de ses répressions). De même, certains effets spéciaux peuvent paraître ridicules de nos jours (l’explosion finale du méchant).
Ainsi, même si le film comporte certains défauts, l’arrivée de Roger Moore dans le rôle est plutôt réussie (il sera d’ailleurs l’acteur ayant interprété le plus souvent le personnage dans la série officielle). Désormais, les choses sont claires : James Bond will return.