Alexandra : les secrets du tournage

Alexandre Sokurov a réalisé plus de 40 films et documentaires, la plupart liés à la Russie et à la défense des valeurs humaines. Diplômé de la VGIK, la célèbre école de mise en scène russe, le réalisateur s'est illustré dans de nombreux festivals et y a même remporté des prix. Il est notamment un habitué du festival de Cannes, pour y avoir amené Moloch en 1999, Taureau en 2001, L'Arche russe en 2002, Père, fils en 2003 et finalement Alexandra en 2006, présenté en compétition officielle.

Alexandre Sokurov déclare ne pas avoir fait un film d'actualité, encore moins un film sur la guerre, mais un film sur ce qu'il y'a d'éternelle dans la vie russe. " Il n'y a pas de guerre dans ce film sur la guerre. Je n'aime pas les films de guerre de fiction. Il me suffit d'avoir vu la guerre une fois pour que toutes ces attaques spectaculaires, ces explosions hautes en couleur, ses corps tombant au ralenti évoquent pour moi l'idée de vulgarité et de faux. Il n'y a aucune poésie à la guerre, aucune beauté et il ne faut pas la filmer de manière poétique : cette horreur est inexprimable ".

Alexandre Sokurov est un réalisateur courageux. Même s'il se défend d'avoir fait une oeuvre politique avec Alexandra, sa filmographie montre un intérêt pour les thèmes difficiles, avec notamment sa trilogie sur les dictateurs : Moloch, en 1999, retrace une journée de la vie d'Adolph Hitler. Taureau s'intéresse aux derniers jours de Lénine, et Le Soleil est consacré à l'empereur Hiro Hito.

Alexandre Sokurov retrouve l'un de ces thèmes chers avec la relation entre une grand-mère et son petit-fils, colonel russe. Il avait déjà abordé le thème familial en 1997 avec Mere et fils, puis avec Père, fils en 2004.

Comme à son habitude, Alexandre Sokurov a apporté un soin particulier à la photo de son film. Dans Alexandra, les couleurs sont toutes dans des teintes sépias, de façon à souligner la monotonie de la vie de ces militaires.

Le tournage de Alexandra s'est déroulé dans des conditions extrêmes. Dans un souci d'authenticité, Alexandre Sokurov voulait travailler sur place, et l'équipe dû ainsi se rendre en Tchétchénie, dans la région de Grozny plus particulièrement, où sont massés les contingents russes. L'équipe du tournage devait circuler dans des engins blindés, la plupart des routes étant minées. Ce fut encore plus dur pour Galina Vishhnevskaya, qui dû elle dormir dans un bunker, et être amenée dans une voiture spéciale chaque jour.

Galina Vishhnevskaya est une légende : née en 1926, cette star internationale a commencé par l'opéra, où elle fut soliste du Bolchoï de 1952 à 1974. Destituée de la nationalité russe en 1974, elle la retrouve en 1990, et fonde même le Centre du chant d'Opéra à Moscou en 2002. Véritable icône en Russie, Sokurov l'avait découvert lorsqu'il était encore écolier, et rêvait depuis de travailler avec elle. Alexandra est leur premier travail commun.

Pour Galina Vishhnevskaya, une des scènes les plus difficiles a été celle tournée avec un blindé. En plus de la performance physique, monter et descendre de l'engin (elle est âgée de 81 ans), cette scène représentait une vraie métaphore idéologique : " Descendre d'un blindé et retrouver une vie pacifique, c'est bien ce qu'il y'a de plus difficile pour tout le monde aujourd'hui en Tchétchénie ".