Pape du cinéma russe contemporain,Alexandre Sokurov s'attelle aujourd'hui à l'horreur de la guerre par la frontalité du non-dit.Dans l'association du silence et des visages,le réalisateur excelle comme personne d'autre.Là où son film est par contre plus discutable,c'est du côté de son discours à portée visiblement humaniste.Le défaut principal du film est son anecdotisme,qui désactive grossièrement toute la bonté initiale du message.Hurler en silence contre la guerre,ou au mieux la chuchoter,ne pas en montrer la violence ou refuser d'en faire ressortir l'effroi,pourquoi pas.Seulement,le film se perd dans ses propres non-dits,dans son propre refus,flirte avec l'abstraction pure et oublie de donner un point de vue.La relation entre la grand-mère et son petit-fils paraît,elle,mille fois plus intéressante dans la façon d'aborder l'intimité de la fusion ainsi que le cadre qui l'entoure,que le message à la fois flou et hésitant touchant le thème de la guerre.Son film manque donc cruellement d'objectivité,et le cinéaste se complaît à systématiser son procédé inégal.Inégal car,dans le but réel de l'oeuvre (subtil militantisme),le film échoue.Dans l'autre sphère,celle de la relation entre la vieille dame (splendidement incarnée par Galina Vishhnevskaya) et le jeune homme (opposition de différents modes de vie,fossé culturel,incommunicabilité des deux mondes et élargissement d'un dialogue inconstant),"Alexandra" atteint des sommets d'épure et de justesse.De cette alchimie particulière naît un film formel et hydrogéné,audacieux dans la forme mais vide dans le fond sur la moitié de sa plate-forme.Esthétiquement,on sent la cohérence ultime d'un cinéaste qui clarifie et dépouille tous ses plans.Philosophiquement,il y a aussi une indéniable force réflexive (portée par une musique symphonique sublime),qui bascule de tomber d'un moment à l'autre dans l'idéologie de bazar à force de l'instabilité du message,ou plutôt du procédé censé le transmettre."Alexandra" n'est donc pas le chef-