septiemeartetdemi.com - Comme on dirait chez moi : ça y est, il y a p'té. Traduction : il semblerait que Herzog ait finalement décidé de donner tout à fait libre cours à l'expression de son moi. Quoiqu'il n'ait jamais été en reste avec ses précédentes productions, du reste. Son film Cœur de verre, à l'instar des premières créations de Buñuel, verse totalement dans le figuratif, comme s'il vidait plus que jamais l'abcès de son génie. À la manière de l'école allemande, il se plaît à glisser des textes poétiques dans ce petit monde qui sort pourtant de l'ordinaire : rural et médiéval, les gens y vivent dans des craintes primitives et surnaturelles et y vaquent à des occupations en deçà de la moyenne civilisée, puisque les petites gens sont des barbares et les bourgeois des faux nobles ou des fous.
Ce n'est peut-être pas un hasard si c'est une expression dialectale qui m'est venue à l'esprit pour entamer ma critique, car l'œuvre elle-même est assez typée dans ce sens. Elle n'est pas tournée dans un dialecte allemand à proprement parler, mais les accents sont forts (naturels ou forcés ?), ce qui, pour ceux qui ont la chance d'avoir cette sensibilité, participe grandement à l'ambiance. Pour pousser le raisonnement jusqu'à l'irrationnel – savoir que Herzog hypnotisait littéralement ses acteurs me dédouanera de cette audace —, cela pourrait même constituer une sorte de cohérence linguistique avec le propos du film. Attention, je suis en pleine interprétation, mais enfin, le film est fait pour ça, et il est tout à fait admirable à quel point le réalisateur se défait de repères élémentaires tels que la situation géographique ou la situation temporelle. Le décor fait penser au Moyen Âge, mais certaines lignes des personnages sont anachroniques, car il n'est pas compliqué de voir notre propre monde contemporain dans les prédictions du devin Hias.
Alors on sort du temps et de l'espace, on voit la représentation par le surnaturel, et non plus pour le surnaturel, du monde de nos ancêtres, ou bien l'on voit une dystopie d'un futur plus ou moins éloigné. Tout ce qu'on sait, c'est qu'on n'est pas ici ni maintenant, et qu'on entre dans le monde véritable que Herzog nous a rendu commun au-delà du film, juste à temps pour se prendre la fin dans la figure et se dire que, décidément, c'était beau.