Il semble de bon ton, lorsqu'il s'agit de faire un film romantique (non pas "fleur bleue" mais s'attachant à la période romantique) de plonger caméra, corps et âme dans l'hystérie. Pour peindre les amours de John Keats et de Fanny Brawn, Jane Campion choisit l'élégance et la douceur. Cette délicate attention lui permet alors de saisir toutes les subtilités d'un amour passionné, sans jamais sombrer, ni dans la niaiserie, ni dans la caricature. D'une beauté formelle à couper le souffle, faisant vibrer la langue anglaise comme une langoureuse sonate, la réalisatrice néo-zélandaise atteint l'atemporalité avec ce film tout aussi sombre que lumineux. Magnifiquement éclairé, superbement dialogué, Bright star s'impose comme l'un des plus beaux films de l'année. Convoquant tous les ingrédients d'une liaison romantique, de la séduction à la mort, en passant par la séparation, l'échange de lettres, la maladie, la transgression des règles, le film les égrène un à un dans une narration subtile, sensuelle, tout autant terrienne que spirituelle. On pense à l'autre film romantique de ces dernières années, le superbe Lady Chatterley, qui avait choisi le même parti pris pour peindre une histoire d'amour tout aussi profonde. En tête de casting, l'inconnue Abbie Cornish est parfaite. D'une beauté elle aussi atemporelle, tout droit sortie d'un Vermeer, elle habite son personnage avec une détermination éblouissante. Lorsque ses sanglots à la mort de Keats nous tirent les larmes aux yeux, on pense à la pauvre Cotillard dans le grotesque La môme à la mort de Cerdan... comprenant alors ce qu'est (ou n'est pas) le cinéma. A ces côtés, Ben Whishaw prête son allure post-adolescente à ce jeune poète maudit, mort comme tant d'autres en pleine jeunesse. Notons également l'excellent Paul Schneider dans une composition subtile et des seconds rôles de haut niveau. Injustement oublié à Cannes 2009, Bright star devrait retrouver ses lettres de noblesse dans toute bonne dévédéthèque, et rejoindre la petite famille des films que l'on peut voir et revoir sa vie durant.