Sans la moindre intention d'être démonstrative (ou si peu), la fine étoffe de Jane Campion obéit à une démarche toute intellectuelle, perçant la surface des choses, comme l'aiguille de la brodeuse Fanny, pour aller creuser en profondeur et dénicher des trésors. Les premières secondes de "Bright Star", peut-être les plus simples et les plus belles que le film aura à nous offrir, en sont , dans tous les sens du terme, une illustration : Campion filme un tissu manié par des doigts de fée, rien de plus ; mais cette image, qui n'est que surface, acquiert pourtant immédiatement une charge poétique, émouvante et tremblante, cernée qu'elle est par une caméra précise et amoureuse, par un regard de cinéaste sensible, par un écrin visuel tout en nuances. Le film aura du mal à perpétuer un tel exploit sur la durée, puisqu'il y a bien une histoire à raconter, conventionnelle qui plus est : les amours impossibles et tragiques entre une fille de bonne famille et un écrivain romantique sans le sou, John Keats, dans l'Angleterre corsetée du XIXe siècle. Impossibles et tragiques car Keats est trop pauvre pour se marier et que la jeune Fanny Brawe a devant elle un avenir tout tracé par son époque et par ses conventions... On pourrait rester froid face à la destinée du poète et de la coquette, on en est tentés parfois, rebutés par des schémas trop connus et un décorum glacial en apparence. Mais Jane Campion sait y faire en la matière (oui, "La leçon de piano", oui), très loin de la lourdeur des violons ou du poids poussiéreux de la reconstitution en costumes, et fait vibrer sa romance d'un éclat chaleureux et intime lors d'instants très jolis volés à la pudeur : la tasse de thé renversée qui scelle la première rencontre, le repas de Noël à la lueur du foyer, le premier baiser lors d'une promenade dans les bois, vrai jeu de cache-cache qui se termine par un innocent jeu d'enfant...
(la suite de la critique sur mon blog : http://mon-humble-avis.blogs.allocine.fr)