Du plus bel ouvrage : au commencement, c'est comme si l'on s'approchait très près de Vermeer entrain de peindre sa dentellière, mais déjà, vous comprenez très vite que même en accédant au détail, en le portant à la lumière naturelle d'une fenêtre, vous ne saurez jamais pourquoi cela vous pique aux larmes avec une telle grâce, une élégance aussi rare, comment une telle intensité peut passer là, discrètement, sans manquer pour autant de caractère (on est chez Jane CAMPION). Il transmigre en clandestin dans la beauté, ne demandant qu'à se dévoiler, s'exprimer, et il se révèle comme un parfum, se libère dans un voilage qui se gonfle au vent ; le silence soudain de deux mains qui se saisissent ; deux lits qu'on rapproche d'une cloison ; le passage des saisons au travers d'une vitre ; le battement d'ailes de papillons dans une chambre en été, la lecture de lettres attendues fiévreusement des semaines et des semaines ; l'émotion visible de Mister BROWN, la jolie frimousse et les boucles rousses de Toots ; Samuel... Samuel... ses expressions... ses déplacements, ses postures, chaque geste, chaque plan comme autant de portrait de jeune homme, beaux comme des peintures vivantes de Chardin, avec son violon, ses grands habits, sa petite sœur, suivant leur grande sœur comme deux petits canards suivent leur mère, deux anges gardiens veillant sur un amour pur et naissant, mais où tout est question de vie et de mort. Et bien sûr Fanny et "Mister Keats" … « d’où le val, ses pentes fleuries, la crue cristalline du ruisseau, paraissant un empan ; que pour toi je veille dans les nefs d’arbres où le daim, de rapides bonds, l’abeille des bois déloge des digitales à clochettes. Je suivrai volontiers ces scènes avec toi, mais l’aimable entretien d’un esprit innocent dont les mots sont l’image de pensées délicates est la joie de mon âme, et ce doit être sûrement la plus intense jouissance pour l’homme quand deux esprits jumeaux dans tes refuges [ceux de la solitude] fuient.» John KEATS.