Superbe plastiquement, "Bright Star" n’en demeure pas moins froid sur le plan émotionnel. L'histoire se déroule
à Londres, en 1818. Un jeune poète anglais de 23 ans, John Keats, et sa voisine Fanny Brawne entament une liaison amoureuse secrète. Pourtant, les premiers contacts entre les deux jeunes gens sont assez froids. John trouve que Fanny est une jeune fille élégante mais trop effrontée, et elle-même n’est pas du tout impressionnée par la littérature. C’est la maladie du jeune frère de John qui va les rapprocher. Keats est touché par les efforts que déploie Fanny pour les aider, et il accepte de lui enseigner la poésie. Lorsque la mère de Fanny et le meilleur ami de Keats, Brown, réalisent l’attachement que se portent les deux jeunes gens, il est trop tard pour les arrêter. Emportés par l’intensité de leurs sentiments, les deux amoureux sont irrémédiablement liés et découvrent sensations et sentiments inconnus. "J’ai l’impression de me dissoudre", écrira Keats. Ensemble, ils partagent chaque jour davantage une obsédante passion romantique qui résiste aux obstacles de plus en plus nombreux. La maladie de Keats va pourtant tout remettre en cause
... Depuis "La leçon de piano", Palme d’Or en 1993, nous savons que Jane Campion est douée pour la création d’ambiance et la reconstitution d’époque. Dans "Bright Star", qui retrace la malheureuse histoire d’amour du poète John Keats avec sa voisine, la cinéaste nous fait une fois de plus partager son goût du détail. Les costumes du XIXème siècle sont magnifiques, de l’employée de maison à l’aristocrate, de l’adolescent à la jeune fille en fleur. De même les décors sont parfaits; le spectateur situe immédiatement les origines sociales relativement aisées de l’héroïne et de sa famille. Le scénario, quant à lui, tient parfaitement la route. Tous les éléments annonciateurs du drame à venir sont distillés au fil du récit. Les relations entre les personnages se construisent progressivement et l’on comprend bien les sentiments, dès le départ équivoques, des principaux protagonistes. Quant aux acteurs, ils sont bons et bien filmés, tellement bien que leurs visages restent lisses en permanence; qu’ils sourient ou se fâchent, leurs figures restent impeccables. On remarquera particulièrement l’interprétation de Kerry Fox ("Intimité" de Patrice Chéreau), en mère de l’héroïne, plus touchante (un peu plus vraie) que les deux amoureux; son personnage étant plus dans la demi-mesure et faisant plus de concessions. Bref, "Bright Star" se tient. Mais... Où est le problème me direz-vous ? S’il n’y a rien à redire d’un point de vue technique et esthétique, l’émotion est absente. Le nouveau long-métrage de Jane Campion est une jolie fable sur l’amour unique et absolu, intense. Alors où sont la passion, la fougue, le désespoir ? L’époque demandait certes une certaine pondération des sentiments extérieurs et n’autorisait pas les effusions extraordinaires (pas en public en tout cas). "Bright Star" évoque avant tout un amour violent, voir destructeur, ne supportant pas la distance et la séparation. Or, à l’exception de quelques larmes discrètement versées dans un coin de mouchoir, on ne peut vraiment pas dire que les sentiments soient très prégnants. Pourtant, les poèmes de John Keats à l’attention de sa bien-aimée expriment avec force de conviction la violence de ses sentiments à son égard. La mise en scène très propre se retrouve ainsi en décalage avec le propos. "Bright Star" a ainsi le mérite de faire découvrir la poésie de John Keats aux spectateurs qui ne la connaîtraient pas. Pour cet artiste qui donnait des cours de poésie afin de partager et transmettre sa passion à autrui, l’idée est belle; son esprit est donc bien présent. Pour ce qui est de la délicatesse et de la force de ses émotions dans ses vers, on repassera...