Nous sommes en 1997. Après deux épisodes signés Tim Burton et un troisième opus de Joel Schumacher, Hollywood décide de concocter un nouvel épisode du justicier masqué. Après Michael Keaton et Val Kilmer, ce sera au fringuant George Clooney d'endosser le costume de l'homme chauve-souris, le bon Joel restant aux commandes. Toutefois, un doute assaille nos amis les producteurs : la licence n'est-elle pas trop sombre pour le jeune public, fidèle à la série animée et friand consommateur de figurines et autres gadgets colorés ? Ni une, ni deux, nos amis décident que ce quatrième opus sera encore plus ouvertement orienté "grand public". Nous n'allons pas être déçus... Tim Burton jouait la carte de l'anti-manichéisme ? Jouons la carte de l'anti-Tim Burton et misons gros ! Le film démarre plutôt fort, avec un mélange improbable de séquences à mi-chemin entre le Sentaï nippon et une production Marc Dorcel. L'habillement de nos héros (appelons-les encore ainsi pour le moment) est déjà digne d'une transmutation des "Power Rangers" mais nous avons droit en prime à quelques gros plans outranciers sur les parties intimes de George Clooney et Chris O'Donnell (avis aux amatrices). Comme toujours, un vilain pas beau menace Gotham City et nos héros s'en vont lui tataner les gencives. Le méchant en question, c'est Mister Freeze, interprété par un Arnold Schwarzenegger en roue libre (nous reviendrons plus tard sur le "jeu" des acteurs, car il mérite vraiment qu'on s'y attarde). Ce dernier a besoin de diamants pour survivre, les pierres précieuses constituant la source d'énergie de sa combinaison. Comme les diamants ça coûte des sous, il les vole. Nos justiciers décident d'intervenir et rivalisent avec le glaçon friandise de blagues plus pathétiques les unes que les autres. Nos deux guignols costumés (notez que nous ne les appelons déjà plus "héros") affrontent alors une tripotée de sbires du givré de service, avant que Batman ne décide de s'occuper du super vilain qui parviendra toutefois à s'échapper au terme d'une poursuite hautement abracadabrantesque, point d'orgue d'une escalade progressive sur l'échelle du n'importe quoi. En parlant de surenchère, attaquons-nous maintenant à l'un des gros problèmes de ce film : l'interprétation. Bien que les acteurs principaux aient à peu près tous prouvé, a priori ou a posteriori, qu'ils pouvaient être bien meilleurs que ce que laisse présager le film, on a la sensation que tous se sont passés le mot pour jouer plus mal les uns que les autres. On passera vite sur les rôles secondaires que sont ceux du Commissaire Gordon (vision très différente de l'original mais à la limite déjà présente dans les films de Burton), d'Alfred (le plus crédible, et c'est bien ça le problème), du savant fou créateur de Bane (qui a dit "stéréotype" ?) et le personnage de Elle Mac Pherson (non, je ne mélange pas avec Alicia Silverstone, Elle est là elle aussi) qui ne sert strictement à rien de tout le film. Passons également sur le clin d’œil "l'hommage" à Orange Mécanique, l'apparition d'un illustre rappeur ainsi que nos amis policiers, gardiens et scientifiques qui ont tous oublié leur talent aux vestiaires. Non, nul besoin de chercher la ringardise du côté des figurants et des seconds couteaux tant les premiers rôles en irradient à eux seuls toute la pellicule. Commençons par George Clooney. Ainsi, là où Batman est sensé être un individu ténébreux, froid et torturé, Clooney se lâche totalement et rend le personnage blagueur, cool et foncièrement décontracté du slip. Dans le genre, il est d'ailleurs magistralement secondé par un Robin au bagou tapageur (Chris O'Donnell, insupportable). Chaque fois qu'ils apparaissent ensemble sur un plan, on se croirait revenu à la grande époque d'Adam West et Burt Ward. Non pas que cette période soit si sujette à discrédit mais le problème est que si dans la série et le film des années 60 le côté kitsch était disons assumé, ici ce n'est visiblement pas toujours le cas. Passons aux méchants... Et là mesdames et messieurs, le gros morceau : Arnold Schwarzenegger, tout d'abord. Ce dernier joue la carte de la dérision à fond les ballons et en fait des gigatonnes (son interprétation à elle seule vaut le détour). Au même niveau ou presque, on retrouve Uma Thurman et là, au vu de ses autres prestations, on peut émettre quelques doutes légitimes quand à sa sobriété lors du tournage. Son personnage frôle la schizophrénie et au concours "Je suis en roue libre et j'en fait des caisses", Uma se lance à corps perdu dans la bataille avec une puissance d'autodestruction qui fait frémir. Le personnage de Bane, quand à lui, ne mérite même pas qu'on en parle, relégué qu'il est au second plan et dont les répliques commencent toutes invariablement par (ou se limitent à) "BEUARGHHH". Une grosse source de déception pour les fans du comic book, dans lequel Bane est quand même autrement plus subtil. Ainsi tout le monde sur le plateau a participé à cette folie furieuse et on a droit pêle-mêle à : des dialogues navrants au possible, bien relayés il est vrai par une VF qui fusille (le "Freeze ! T'es givré" que lance Batman n'étant qu'une réplique parmi tant d'autres mais tellement représentative du genre d'humour mis en avant pendant tout le film), des éclairages très flashy (du vert pour Ivy, du bleu pour Freeze et du mauve pour nos amis), des décors en carton, au propre comme au figuré (c'est peut-être aussi dû a la mise en scène mais on a bien du mal à sentir le gros budget en-dehors des acteurs) des bruitages que n'auraient pas renié Tex Avery, et des costumes moulants. L'histoire n'arrange pas grand-chose non plus : des vilains pas beaux veulent imposer leurs idées, les héros enquêtent et découvrent leurs agissements au prix de déductions dont seul un esprit supérieur peut suivre le cheminement, par exemple quand Batman découvre qu'Ivy a fait évader Freeze, en visionnant la vidéo-surveillance de Arkham. Donc, après avoir découvert les véritables intentions des malandrins, nos justiciers décident d'agir et leur donnent une leçon en sauvant au passage leur ami Alfred, mourant, qui, comme par hasard, est touché du même mal que l'épouse de Freeze. Point final. Alors, "Batman et Robin" est-il à oublier ou à ranger uniquement sur les étagères d'un cinéphile averti ? A mon sens : pas vraiment. A vouloir édulcorer le tout à outrance, la production a réussi quelque chose. C'est ainsi que pour la première fois dans un "Batman" au cinéma (hormis celui d'Adam West) on ne verra pas mourir de super vilains (tout le monde a le droit de vivre). Ensuite, on se dit que dans de bonnes dispositions les acteurs auraient sans doute pu offrir un bien meilleur spectacle. En effet, avec une bonne dose d'indulgence, les moments d'émotion entre Freeze et sa femme peuvent se révéler touchants, tout comme ceux entre Bruce et Alfred. Hors comparaison avec le comic book ou les premières adaptations tant cinématographiques que télévisuelles, "Batman et Robin", totalement idiot, est assez plaisant à regarder, et le nanardeur y trouvera son compte. Cela reste un beau nanar