Chargé de lancer les fetivités, lors du dernier festival de Cannes, “My Blueberry Nights” a constitué une ouverture autrement plus crédible que “Fanfan la tulipe” ou “Da Vinci Code”. Mais sa surexposition médiatique, due à son statut, a aussi eu pour effet d’amplifier la portée des critiques assassines qui ont majoritairement réduit le film à l’image de Norah Jones embrassant Jude Law entre deux parts de tarte. Poutant, à le voir hors du contexte cannois, un telle volée de bois vert semble injustifiée. Bon, certes, Wong-Kar Wai donne parfois l’impression de ce perdre en route avec des effets aussi nombreux que pas franchement indispensables (une voiture filmée comme dans une pub, une scène montée comme un clip), ou une romance centrale tellement fournie en sucre et en images sirupeuses à la limite de la niaiserie (le nappage coulant dans un gateau comme symbole de la montée du désir), que le long métrage risque tout sauf une crise d’hypoglycémie.
Mais il se dégage quand même quelque chose, une émotion, du voyage d’Elizabeth à travers les États-Unis, lorsqu’elle rencontre des personnages qui lui renvoient une partie de l’image d’elle-même. Des hommes et des femmes, solitaires et en mal d’amour, que Wong-Kar Wai filme au plus près, pour mieux capter leurs sentiments, et nous donner à voir leurs félûres, tandis qu’il emploie toute sa sensibilité pour magnifier leurs interprètes. Lesquels, de la chanteuse et néo-actrice Norah Jones (touchante dans son manque d’assurance) à Jude Law, en passant par Natalie Portman (excellente en pauvre petite fille riche accro au jeu), Rachel Weisz ou David Strathairn, forment un casting aussi glamour que solide, chacun sachant à merveille rendre son personnage attachant malgré ses défauts. Une performance collective qui réhausse l’intérêt de ce voyage sentimental sur la Carte du Tendre, aussi balisé que peut l’être un road-movie classique, mais qu’un flot d’images somptueuses et une musique envoûtante sauvent de la sortie de route.