Wong Kar-Wai nous embarque avec « My blueberry nights », dans une jolie balade, certes un peu modeste, mais voluptueuse et profondément généreuse. D’aucun lui reproche son détour américain, où il aurait perdu son inspiration, peut-être. Il n’est ni le premier, ni le dernier… A l’image d’un Wenders (dont les films américains sont les plus mineurs), il transpose sa vision des Etats-Unis sur le vécu de ses personnages et d’un récit linéaire loin d’être innovant car sur traité auparavant. Mais si l’on se laisse imprégner, et c’est mon cas, on ne peut que s’extasier sur ce road movie initiatique d’Elizabeth incarnée par une Nora Jones radieuse. De son périple, on retient des rencontres. Jude Law dans l’un de ses meilleurs rôles, amoureux en stand by, David Strathairn, au sommet de l’émotion en flic perdu, Rachel Weisz féline en épouse torturée, Nathalie Portman rayonnante en joueuse désespérée. Tous attendent de la vie qu’elle change pour toucher si ce n’est le bonheur, au moins le meilleur, ici ou ailleurs. Certains y arrivent, d’autres se sacrifient. Wong Kar-Wai, sait mettre en évidence ces contrastes, sa mise en scène très avenante s’attache à chacun d’eux, dans leurs silences, dans leur intimité. Il filme l’émotion avec énormément de grâce. La technique vient ici illustrer tout cela, la lumière de Darius Khondji (Délicatessen, Evita, Seven…) tantôt sensuelle, tantôt glaciale habille chacun d’eux. La partition de Ry Cooper (Paris Texas) illustre aussi cette nonchalance de sentiments. Pour vraiment apprécier le film, il faut le replacer comme une œuvre unique, celle d’un réalisateur qui s’inscrit dans une pause, avec comme ambition l’humilité et la vulnérabilité. Un état de grâce en quelque sorte.