Contrairement au Figaro, je trouve que la force de Carion est justement de ne pas montrer de violences (et là Carion va à l'encontre des codes du genre), et d'étudier beaucoup plus que dans n'importe quel film d'espionnage la psychologie des personnages, leur humanité et leur normalité en dehors de ce qu'ils sont en train de vivre. Et dans ses deux derniers films, Joyeux Noël comme L'affaire Farewell, Carion n'oublie pas de glisser des scènes bluffantes de légèreté, alors qu'on s'attendrait au contraire tout au long du film... Ils voudraient de la chair et de l'action? Ce n'est effectivement pas un GI Joe ou autres, c'est une magnifique fresque historique, sans oublier d'être un superbe film de cinéma, plus qu'un relaté des faits. Et cette fresque raconte également la naissance d'un lien à la fois professionnel, donc plutôt sec, et à la fois un lien amical, qui va faire évoluer chacun dans leur vie privée. Carion arrive même à réaliser une scène poignante sur un fils qui comprend enfin que son père n'est pas un traître, et beaucoup de scènes attendrissantes. Il brosse derrière cela un portrait du communisme pas si négatif que ça, et filme un URSS crédible. Guillaume Canet donne son énergie fraîche et agréable, Emir Kusturica en impose par sa présence, les interprétations de Reagan et de Mitterand sont remarquables de véracité, tous les comédiens sont très crédibles et à l'unisson, la réalisation ne tombe pas, les décors sont splendides. Le film est un vrai bijou historique et cinématographique, on l'on est emporté par la force de l'amour, par la peur de l'échec, l'envie de savoir... Et en plus de réaliser ce magnifique film, Carion remet au goût du jour ce qui fut un pivot pour la fin de la Guerre Froide et nous en apprend un peu plus sur le dénouement de la guerre. Christian Carion, un nom à ne pas oublier, tout comme Kusturica, que l'on connaissait bien réalisateur, mais peu acteur et encore moins acteur principal: il en jette.