L'histoire d'un homme qui cherche l'autre afin d'écrire des histoires pour une autre. C'est sans doute le bon moment pour décider à vivre une histoire, pour lui.
C'est beau un homme traqué. Surtout quand l'échec continu lui donne le courage, et l'intelligence, de remettre en question sa paresse. Mais pas son talent.
Car dans ce film, on retrouve tous les gimmicks du grand Claude, la fascination de la voiture, l'amour des femmes sans aucune ambivalence, le goût du dialogue, et l'envie du couple, si possible romantique sur une route qui partirait toujours de Paris.
Seulement, Lelouch NT a eu la force de travail de remettre à plat tout Lelouch 2 pour retrouver la vivacité et l'originalité de Lelouch 1, et aboutir à une version 3 presque inattendue, à force d'être attendue, comme si l'on avait toujours eu confiance. C'est vrai que son émouvant petit court métrage pour Cannes était déjà un signe encourageant.
Là, il a d'abord sorti de ses tripes un bon scénario. Pas si tiré par les cheveux que ça. Ensuite, il a essayé d'être simple, sans trouver des excuses à des Tapie ou autres OVNIs inutiles du microcosme parisien. Il a pris de bons acteurs, toutes catégories confondues, et a découvert un beau visage de femme, à la fois ordinaire et charmant. Le courage du choix de la tronche à Pichon fait presque penser à Mocky.
Techniquement, le retraité a trouvé un bel outil, correspondant bien à son style virtuose, la caméra HD, mais il a su arrêter la bougeotte, question d'âge. Ou humilité devant les réussites alentours, qui parfois osent le plan fixe pour mieux capter la magie de la nuit, comme « Les mots bleus ».
On a donc un audacieux casting, un scénario parfait, une très belle qualité d'image, surtout dans les contrastes très doux, sans les artefacts de la DV.
L'autre charme est sans doute la précision chirurgicale de la vidéo numérique, on voit toute la fatigue de Fanny, tous les replis repoussants de Pichon, et toute la jeunesse un peu avancée de la révélation féminine du jour.
Alors que manque t'il ? Peut-être la folie, celle de croire tellement à son film qu'il aurait pu faire exploser le rythme, à l'américaine, pour plus d'efficacité, plus de conviction, plus de plaisir. Il reste un peu tranquille, on attend chaque scène avec un plaisir évident, mais affecté d'un peu trop d'intellect, genre nouvelle vague.
C'est bien dommage, mais la mariée était trop belle, et ce n'est vraiment pas grave, car on éprouve un tel plaisir à retrouver un ami disparu, et savourer un bon film, que les défauts passent (presque) inaperçus.
Encore bravo, une belle leçon de vie, pour les vieux réalisateurs sur le déclin, mais aussi pour les jeunes. Cela, dit, les cas les plus désespérés sont aussi les plus beaux, car après tout, Chabrol, lui, nous montre film après film qu'il se bonifie !