Après s’être fait connaître en réalisant le clip de « Loosing My Religion » du groupe REM et avoir brillamment réussi sa première incursion dans le 7ème art en 2000 en nous livrant "The Cell", un thriller onirique fort bien maîtrisé ; Tarsem Singh aura tout de même attendu six années pour réaliser son second film : le résultat est-il à la hauteur de l’attente ? Tout d’abord, le sujet de "The Fall" peut surprendre : Alexandria, petite roumaine insouciante, est hospitalisée dans une clinique suite à un accident et elle s’ennuie ferme au quotidien. Elle va faire la rencontre d’un nouvel arrivant, cascadeur infirme nommé Roy Walker avec qui elle va sympathiser. Au cours de leurs nombreuses discussions, Roy va alors lui raconter une histoire merveilleuse dans laquelle elle va se laisser totalement emportée…Oui, ça surprend car on est loin de l’univers glauque de "The Cell", mais l’avantage d’un tel pitch va permettre au petit prodige indien de faire ce qu’il fait le mieux : mettre à l’écran des univers incroyables. Et cela commence dès le générique du début : on est cueilli par une superbe image en noir et blanc et entièrement au ralenti, soutenue par la formidable 7ème Symphonie de Beethoven…à peine quelques secondes et déjà Singh nous propose un spectacle magnifique. On revient après sur terre, avec la présentation du lieu et des personnages, et c'est lorsque Roy commence à raconter son histoire que Mister Tarsem nous dévoile tout son talent : le récit épique du cascadeur nous transporte dans les plus beaux décors naturels du monde entier, en passant par le Taj Mahal, les Pyramides d’Égypte, les superbes paysages d’Afrique du Sud, les îles paradisiaques, la désolation des profonds déserts…tout à l’écran est grandiose, chaque plan est parfaitement cadré, la photographie est époustouflante, la lumière est minutieusement maîtrisée (les jeux avec les contre-jours et les flares amènent une certaine poésie à l’écran). On voit bien que Singh a fait pas mal de clips et de pubs avant de faire du cinéma, on pourrait même soupçonner des références intentionnelles tant "The Fall" semble être une rencontre astucieuse entre la mise en scène baroque de Terry Gilliam (on pense à "Les Aventures du Baron de Münchausen" et "Tideland") et l’univers déstabilisant d’Alejandro Jodorowsky ("El Topo" et "La Montagne Sacrée"). Mais alors, le nouveau film de Singh est juste époustouflant visuellement me diriez-vous ? Et bien non, comme il l’avait fait auparavant avec "The Cell", Singh ne se contente pas de nous fournir un magnifique paquet cadeau avec du vide à l’intérieur : ce qui aurait pu être une simple histoire ancrée dans une autre devient au fur et à mesure une représentation symbolique des sentiments et des peurs de Roy et Alexandria où chaque protagoniste du récit est l’avatar imaginaire d’une de leurs connaissances du monde réel. Ainsi, la structure même du conte nous permet de mieux comprendre leur passé respectif ainsi que leurs émotions : la beauté des lieux est en contraste total avec la vie misérable de la petite fille ; et les relations entre les personnages de l’histoire découle directement de la frustration de Roy vis-à-vis de sa tragique chute et de sa déception amoureuse. Ce qui motivait Roy à raconter son histoire, c’était juste une tentative de suicide par intermédiaire (son attitude vis-à-vis d’Alexandria est d’ailleurs sacrément égoïste et manipulatrice !!) ; alors qu’Alexandria cherchait à s’évader de sa morne vie…et au final le conte se trouvera être pour chacun le seul et unique moyen de se trouver et de se sauver mutuellement en créant une amitié insoupçonnée. C’est sûr qu’en matière de « conte pour enfant avec morale », "The Fall" est largement plus intelligent que les habituelles niaiseries que l’on nous propose en salles. Côté casting, Signh a choisi des acteurs totalement inconnus et cela n’est pas plus mal : ils remplissent haut la main leur contrat et Lee Pace et la petite Catinca Untaru sont bouleversants et attachants. Seul bémol du film, la bande originale est assez discrète et pas assez à la hauteur des images qu’elle doit illustrer : le choix de Krishna Levy (jusqu’à présent abonné aux films français : "Un Jeu d’Enfants", "Le Boulet", "8 Femmes", "Je Suis un Assassin", "Cous Toujours") est plus que discutable.
Pour sa deuxième réalisation, Tarsem Singh nous livre un film à l’esthétique splendide doublé d’une très belle histoire d’amitié : impossible pendant deux heures de ne pas être submergé d’émotions ! "The Fall" est une belle réussite et je ne vous cache pas que je suis impatient de découvrir le prochain film de notre petit prodige.