En adaptant le roman éponyme de Patrick Rotman, Florent-Emilio Siri fait preuve d'une ambition et d'un courage indéniables. Tout d’abord parce qu’il est un des rares cinéastes français à oser le cinéma de genre, sans craindre la comparaison avec ses homologues américains. Une audace déjà payante dans le domaine de l’action, où son “Nid de guêpes”, malgré un échec en salles, surpassait bon nombre de productions venues d’outre-Atlantique, et qu’il réitère aujourd’hui avec le film de guerre, sans se soucier des “Apocalypse Now” et autres “Platoon”, cités à tour de bras dès lors qu’on évoque le genre. Des références imposantes, face auxquelles son “Ennemi intime” n’a assurément pas à rougir, ne serait-ce qu’en terme de mise en scène : composé avec précision, fluide dans ses mouvements de caméra, et magnifié par une photo désaturée, chaque plan est d’une puissance visuelle qui trouve son paroxysme dans les scènes de fusillades, où l’expérience et le talent du réalisateur dans l’action confèrent un fort sens épique à ces moments-clés du récit, pourtant peu nombreux au sein de celui-ci. Car le metteur en scène semble davantage intéressé par les relations entres les soldats, leur rapport au conflit innommable dont ils sont en train de noircir les pages, et, surtout, l’évolution psychologique de Terrien. Débarqué avec son idéalisme et ses principes moraux (“Quand un ordre est moralement inacceptable, il faut le refuser”, clame-t-il), il va, peu-à-peu, perdre pied face à la pression et les horreurs commises par son camp : tortures, bavures, éxécutions sommaires, usage de napalm… Des atrocités que Siri, courageusement, appelle par leur nom, et regarde sans ciller, à travers les yeux d’un Benoît Magimel exceptionnel, anti-héros, aux côtés d’un Albert Dupontel non moins excellent, d’une œuvre aux multiples référrences (Sergio Leone, notamment), violente, dure et poignante, qui nous prend aux tripes et nous touche au cœur.