3sur5 Niels Arestrup (le génial briscard journaliste de L'Homme qui voulait vivre sa vie) s'essaie réalisateur à partir d'un scénario qu'il a lui-même conçu. Il y incarne même un grand gourou cynique et omniscient, entre grandiloquence et minimalisme et, là-dessus, tout à fait symptomatique du ton d'ensemble du film lui-même. Sorti en avril 2006, ce film traitant de la préparation du débat TV de l'entre-deux tours d'un candidat mal-aimé de l'opinion, est sorti alors que s'entamait la campagne électorale qui allait déboucher sur la victoire de Sarkozy. Aucune incidence. Dommage d'ailleurs que personne ne relève cette tentative de percée du cinéma français vers le politique, anecdote peu conforme aujourd'hui encore.
Yvan Attal s'y glisse dans la peau d'un candidat en décalage, orateur désastreux, à l'absence de charisme impressionnante ; un légume sans charme ni aura pour lequel on peine à accorder sympathie, crédibilité... alors un suffrage ! On le suit côté confidentiel de la campagne, loin des foules et de l'effervescence médiatique. C'est une immersion à hauteur humaine débouchant, finalement, sur le pétage de cable de l'homme promis candidat malheureux, sacrifié par sa famille politique face à un champion évident.
Une tension sourde monte à l'approche du débat ou le politicien usé menace de s'adonner à la plus absolue (et donc irresponsable) des sincérités. Le Candidat se fait grave, mais loin du registre de pensum que son pitsch pouvait laisser augurer. Il acquiert la dimension d'un drame personnel d'un individu écrasé par son milieu et trop petit pour satisfaire ses engagements. Mais tout cela paraît bénin au regard du potentiel d'un contexte aussi stimulant ; les enjeux sont réduits à la dimension tragi-comique d'un pion, aussi le regard est passablement neutre (ou convenu) et naif sur l'industrie politique.
Aussi cette peinture du politique s'en trouve bancale. On est happé par le destin en jeu, mais la réalité reste lointaine, ou au mieux tronquée. Globalement, c'est comme si le Monde au-delà devenait artificiel pour ceux qui expérimentent une telle aventure. Arestrup survole des fondamentaux évident (le rapport du politique aux médias), ne lâche pas un mot sur l'occultation du social par la sphère politique. En contrepartie, il est très précis sur les techniques de communication employée pour les besoins d'une campagne mainstream ; là, ce Candidat se travesti presque en satire désabusée.
La crainte est alors d'assister à un débat ou il apparaîtrait débonnaire, simple, limpide, autrement dit incarnerait la bonhomie providentielle revenue de loin. L'écueil est évité de justesse, puisque le héros s'y montre esseulé, franc, lamentable et pathétique jusque-dans ses coups d'éclats. Mais Arestrup est tout près d'abandonner sa confiance à cette candeur héroique plutôt pénible. Certes, son candidat casse le jeu social, brise la glace, dépasse les stratégies. Néanmoins, son discours, c'est du vent ; c'est du populisme digne de partis de gouvernement recalés n'ayant plus que l'affect pour terrain de prédilection. Arestrup tape dans le factice, le démagogue, pour s'installer dans un no man's land dépressif avec un personnage et un microcosme au bord de l'abyme. Le leader malgré lui aura le courage de le regarder. Le Candidat est assurément plus humaniste que sociologique ; c'est ce qui fait sa fraîcheur, mais sa subtilité n'est pas garante de vérités, sa profondeur consacrée à fouler une dimension somme toute commune (au fond, c'est l'histoire d'un mec qui a raté son orientation trente ans auparavant et trinque aujourd'hui). Demi-réussite, demi-échec.