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perle de rosée
61 abonnés
311 critiques
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2,0
Publiée le 2 octobre 2020
Film intéressant pour découvrir le cinéma d'autres pays. Là on se trouve face aux coutumes japonaises. Il s'agit de l'adaptation d'un roman. Bien qu'en noir et blanc on est frappé par la poésie et le charme des paysages de campagne.
Une oeuvre qui fait un peu penser à "Au revoir Mr. Chips" sauf qu'ici on est au Japon, que l'ellipse est plus habilement utilisée pour montrer le temps qui passe et ses conséquences inexorables et que "Mr. Chips" est une femme... Et pas n'importe quelle femme puisqu'elle a les traits d'Hideko Takamine, actrice très talentueuse et charismatique, qui est peut-être une des seules comédiennes du Pays du Soleil levant avec Setsuko Hara dont le nom vaut à lui seul le détour. Inutile de préciser qu'elle est ici fabuleuse comme à son habitude. L'histoire ne se déroule que quasiment sur une île et raconte la vie sur près de vingt ans d'une institutrice très dévouée à ses élèves, ce qui est aussi un très bon prétexte pour raconter de ce point de vue près de vingt ans de l'histoire du pays de 1928 à 1946, et on se concentre principalement sur les relations qu'elle entretient avec ses élèves ou anciens élèves. La protagoniste parvient sans mal à être très attachante, surtout quand dans le Japon ultra-militarisé des années 30 et de la Seconde Guerre Mondiale elle ne cache pas courageusement qu'elle considère chacun de ses écoliers comme un être humain à part humain et non pas juste comme de la chair à canon uniquement bon à se sacrifier pour la patrie. Autrement, les personnages chialent souvent dans le film mais le ton reste remarquablement sobre. La dernière scène est dans ce domaine particulièrement émouvante. Malgré ses plus de deux heures et demie, "Les 24 prunelles" est un très beau film devant lequel on ne voit pas le temps passer, si ce n'est celui de l'histoire évidemment mais là c'est autre chose...
"Vingt-quatre prunelles" pour désigner les douze paires d'yeux attendris qui font face à la jeune institutrice (Hideo Takamine) venue après ses brillantes études enseigner dans le petit village de pêcheurs de l'île Shodoshima (située dans la mer intérieure de Seto). Keisuke Kinoshita cinéaste de la ruralité par excellence appartenant comme Yasujiro Ozu et Mikio Naruse aux studios de la Schöchiku déploie sur 2h30 une fresque qui à travers le destin d'une institutrice et de ses douze élèves suivis sur près de vingt ans dessine l'évolution de la société japonaise, des évènements de Manchourie en 1928 jusqu'en 1946 après la capitulation. Au-delà de la grande histoire qui scande le récit, le film adapté du roman de la romancière et poétesse Sakae Tsuboi, célèbre aussi la transmission du savoir par le biais de l'école qui émancipe ceux qui sans l'institution étatique ne pourraient s'extraire de leur condition. Les méthodes modernes de la pourtant inexpérimentée Hisako Oishi sont basées entièrement sur l'empathie et le respect de l'individualité de chacun de ses élèves sans jamais porter un quelconque jugement de valeur. Keisuke Kinoshita s'attarde longuement sur cet aspect essentiel du roman qui explique pour beaucoup le lien indéfectible qui unira l'institutrice à ses élèves par-delà les aléas de la vie et notamment l'accident qui oblige assez rapidement Hisako à quitter l'école pour rejoindre le collège où elle retrouvera ses douze élèves devenus plus âgés. Les comptines qui unissent la classe sont omniprésentes dans l'éducation japonaise pour forger l'esprit patriotique. On en constate l'efficacité avec le passage particulièrement douloureux de l'engagement militaire des jeunes garçons de la classe devenus jeunes adultes. Hisako sera elle-même rappelée durement à l'ordre quand ses propos pacifistes lui vaudront la suspicion d'être affiliée au Parti Communiste. Fait de ruptures et de retrouvailles toutes aussi émouvantes "Vingt-quatre prunelles" illustre l'hétérogénéité des destins souvent régis comme partout ailleurs par l'origine sociale. Hideko Takamine qui aura essentiellement travaillé avec deux réalisateurs (17 films avec Naruse, 12 films avec Kinoshita), illumine le récit de sa grâce et de sa fragilité qui surplombent un film souvent plaintif et quelquefois un peu répétitif qui fut un énorme succès au Japon comme en Chine.