On nous aurait donc menti sur le plein emploi au pays du thatcherisme et du blairisme ! Après les ouvriers au chômage de Sheffield obligés de monter un spectacle de stip-tease dans "The Full Monty", voici donc une ménagère de plus de cinquante ans contrainte de devenir palucheuse professionnelle pour compenser les carences du système de santé britannique. Idée originale pour cette énième comédie dramatique à dimension sociale outre-manche (même si nous avons affaire à une production très européenne avec un réalisateur belge et des financements allemands, français et luxembourgeois, la distribution est entièrement anglo-saxonne et l'ensemble est très british).
Le film commence bien, avec des choix intéressants, comme cette première apparition de Maggie cachée derrière une énorme peluche qu'elle s'apprête à offrir à Olly, ou cette employée de banque coiffée d'un bonnet de Noël refusant le prêt qui sauverait la vie d'un gosse, ou encore ces accents lynchiens lorsque Maggie entre dans le club comme on descend aux enfers, corridor éclairé au néon, velours rouge et accords plaqués de Ghinzou, le groupe rock belge qui a composé la musique.
De même la rencontre avec Miki, joué par Miki Manojlovic, l'acteur fétiche de Kusturica depuis "Papa est en voyage d'affaire", qui lui explique qu"'ici, le mot hôtesse est un euphémisme", avant de donner à Maggie la définition de ce mot que lui expliqué son avocat. Et quand il lui demande de lui montrer ses mains, Maggie oppose autant de résistance que s'il lui avait demandé de se dévêtir, ayant intuitivement compris le rôle qu'elles seront appelées à jouer dans son futur métier.
La découverte de sa nouvelle profession est assez réjouissante, autant que la façon qu'elle a de se l'approprier telle une dame-pipi, ainsi que la découverte d'une nouvelle maladie professionnelle, le penis elbow. Malheureusement, la nécessité de trouver des ressorts dramatiques pour faire avancer l'histoire conduit les scénaristes à piocher dans le dictionnaire des clichés, et la succession d'injustices qui s'abattent sur la pauvre Maggie rendrait Dickens presque fleur bleue.
On a du mal à croire à ces personnages caricaturaux, depuis le fiston (joué par Kevin Bishop, le frère de Wendy dans "L'Auberge Espagnole") qui préfère laisser mourir son fils plutôt que d'accepter que sa mère lui donne ce type de coup de main, jusqu'aux desperate house wifes mâtinées de Miss Marple qui lui demandent des détails anatomiques avant de manifester leur pudibonderie, en passant par le businessman du porno au coeur tendre.
Ni la réalisation ni la direction d'acteurs ne rattrapent la convention de l'histoire. Marianne Faithfull ne convainc pas, avec un jeu minimaliste et une démarche robotisée que l'intensité de son regard ne suffit pas à compenser. La mise en scène ne tient pas ses promesses du début, et de ce côté là aussi, c'est le festival des trucs convenus, depuis le ralenti pour montrer la tristesse de l'héroïne jusqu'au plan fixe du décor de l'hôpital traversé par Maggie qui tire sa valise à roulettes comme on traîne sa peine. A se demander si les clients d'Irina ne représentent pas métaphoriquement les spectateurs de ce film, dont le plaisir n'aura duré qu'un court instant, bien vite remplacé par la frustration.