Un film symptomatique de la place qu’occupe actuellement Tom Cruise à Hollywood. Après avoir été l’une des plus grandes stars du ciné US, l’acteur semble désormais devoir se contenter de film à l’intérêt relatif… alors qu’il y a quelques années encore, sa seule présence au générique était un gage de qualité. Malheureusement, depuis "Mission : Impossible 3" et ses délires scientologues hors caméra, Tom Cruise ne fait plus partie de la A-list et, bien qu’il ne démérite jamais, peine à retrouver les sommets du box-office (si on excepte le carton inattendu du dernier "Mission : Impossible"). Et ce n’est pas ce "Jack Reacher" qui viendra changer la donne. Certes, l’acteur s’y montre, une fois de plus, irréprochable en enquêteur atypique, adepte de la petite vanne assassine et de la manière forte. Le personnage de Reacher est, sans surprise, la principale attraction du film, à la fois cool et charismatique, et réussit même à surprendre le spectateur par ses réactions (son erreur d’appréciation au début de l’enquête, la négociation téléphonique avant l’assaut final, le sort qu’il réserve au grand méchant…). Mais cette surexposition du personnage a son revers puisqu’il est présenté comme un surhomme énigmatique, doté d’un esprit de réflexion supérieur et capable de venir à bout de tous ses assaillants… soit le portrait type du héros des années 90 (voire des années 80). Or, tout le monde conviendra que Tom Cruise n’est pas Steven Seagal, plus habitué à ce type de profil. On ne s’étonnera donc pas que les seconds rôles sombrent tous dans la caricature, de l’homme de main très méchant (Jai Courtney) au mystérieux big boss à l’œil crevé (Werner Herzog) en passant par le sympathique complice de circonstance (Robert Duvall) et le flic ripoux (David Oyewolo). Seuls Rosamund Pike en avocate obstinée et Richard Jenkins en Procureur ambigu, apportent une once d’intérêt à leurs personnages. Le ton de ce "Jack Reacher" est, dès lors, un peu suranné et se perd dans certains cliché éculés qui prêtent un peu à sourire aujourd’hui (la scène où Reacher pense partir mais, finalement, ne prend pas le bus, la baston à 5 contre 1 gagnée haut la main, le duel final mano a mano entre le petit Reacher et la montagne Charlie…). On aurait, cependant, pu regarder le film avec un certain recul et apprécier, sans grande peine, l’enquête menée par Reacher, gentiment menée à défaut d’être révolutionnaire. Malheureusement, la mise en scène est trop inégale pour totalement convaincre. Le scénariste de talent Christopher McQuarrie revient à la réalisation 12 ans après "Ways of Guns" et alterne des séquences plutôt intéressantes (le reconstitution de la tuerie, la scène du bar…) et pas mal de trous d’airs narratifs venant considérablement alourdir le film. Quant à la poursuite en voiture, elle est d’une durée bien trop déraisonnable pour espérer convaincre, surtout qu’elle n’offre rien de vraiment nouveau. Ainsi, malgré ses 20 ans de retard et son rythme carencé, "Jack Reacher" reste un divertissement acceptable… mais qui n’aurait certainement pas eu droit aux honneurs d’une sortie sur grand écran sans la présence de Tom Cruise.