Une excellente surprise, au point de me sembler être un quasi-ovni cinématographique. Je m'attendais à un blockbuster façon Die Hard, scénario un peu concon prétexte à diverses scènes d'action plus ou moins invraisemblable. Je n'avais qu'à moitié tort.
Effectivement l'histoire est parsemé de scènes d'action de plus en plus invraisemblables, nous dévoilant un personnage principal aux caractéristique de super-héro façon Jason Bourne, James Bond ou tout simplement le héro de Mission Impossible qu'incarnait déjà Tom Cruise.
Mais le scénario et les dialogues sont bien plus intéressants que ce à quoi ce genre de film nous a habitué. Inspiré d'un fait divers américain bien célèbre (les snipers tueurs en série), ce point de départ est enrichi pour se transformer en une sorte d'affaire Mohammed Merah (sans le coté terrorisme islamiste).
Plusieurs moments sont troublants quant à leur subtilité inattendue pour un tel film ou par leur choix "politique". Exemples :
- Jack Reacher accepte la mission que l'avocat lui confie en lui faisant une demande particulière ; puisque l'avocate lui demande de considérer l'accuser avec objectivité malgré les a priori qu'il a le concernant, persuadé alors de sa culpabilité, il demande à l'avocate d'en faire autant vis-a-vis des victimes. À ce stade, on pense qu'il s'agit simplement d'exposer l'idéalisme de l'avocate à la cruauté du crime, l'injustice irréparable de celui-ci. Et dans un film comme celui-ci, mais en réalité, cet élément permet de démontrer que notre perception d'un crime se focalise toujours sur le coupable et l'émotion que son crime suscite, place immédiatement les victimes dans un statut de martyr intouchable, dont le simple fait d'évoquer le passé semble blasphématoire. Du coup, il est très facile de manipuler la perception d'un tel acte pour que les intentions réelles restent toujours dissimulées.
- Jack Reacher acquiert la conviction de l'innocence de l'accusé et fait face à l'incrédulité de l'avocate qui elle ne cherchait qu'à donner un procès équitable à celui-ci. Il lui demande alors de regarder par la fenêtre. Elle affirme y voir la même chose que d'habitude. S'en suit un discours du héro sur la nécéssité d'avoir un regard neuf, d'accepter que la réalité soit différente de celle que nous avons l'habitude d'accepter, malgré ou grâce à ce que nous savons déjà, car nous restons éternellement esclave d'une façon de voir, d'une habitude de pensée, non parce que nous ne savons pas faire autrement, mais parce que c'est plus confortable ; sinon nous aurions changé de mode de vie depuis longtemps.
- Étonnement, le film s'étend assez peu sur les mobiles du crime, et ne sont évoqués complètement qu'une seule fois, de manière très rapide, quand l'avocate les expose au procureur. Pourtant, ils sont gratinés : il ne s'agit ni plus ni moins d'une sombre affaire de corruption d'élus et de fonctionnaires pour l'acquisition d'entreprise et l'attribution de marché de construction, et d'après l'avocate qui remonte bien plus loin que cette seule affaire ; bref, il s'agit de ce à quoi nous assistons tous les jours un peu partout : l'argent public qui financent allègrement les entreprises du bâtiments. Tout candidat à une mairie ou un conseil régional semble fatalement animer d'une fièvre d'urbanisme (tramways, renouvellement de chaussés, habitations, rénovation, piste cyclable dans des villes où ça ne présente aucun intérêt), alors que parallèlement, les hôpitaux ferment et les écoles manquent d'enseignants et travaillent dans des locaux vétustes avec des équipements périmés.
Le film ne s'étend pas sur ce dernier point, pas plus qu'il ne nous donne tellement de réponse au sujet du cerveau de l'opération. À moins d'avoir une petite culture de "complotiste", on ne peut pas vraiment comprendre le profil de ce personnage capable de corrompre et de soumettre policiers comme procureurs, ni ce qu'il symbolise.
Bref, je n'ai pas encore lu le roman dont est tiré ce film, mais je pense que je vais m'y intéresser.