J'aime beaucoup "Elephant", et pourtant cela ne m'empêche pas de trouver "2h37" véritablement bouleversant. Le procès intenté à Murali K Thalluri, d'avoir pompé le film palmé de Gus Van Sant, est une injustice flagrante. Si vous écoutez le commentaire du réalisateur, vous apprenez que Gus Van Sant lui-même a beaucoup aimé "2h37"; de plus Murali K Thalluri, de manière tout à fait honnête, remercie le cinéaste américain dans le générique de fin, en avouant l'inspiration que "Elephant" a été pour lui.
Si le style de la mise en scène, en effet, est inspiré d'"Elephant", en revanche, l'esprit qui animé "2h37" mérite réellement notre attention. Des films traitant du suicide, j'en ai déjà vu beaucoup. Mais des films sur ce sujet, aussi honnêtes, aussi sincères, aussi compassionnels, jamais auparavant. Ce que Murali K Thalluri est parvenu à bâtir, sans diplôme en cinéma, sans expérience aucune du tournage, est proprement étourdissant de maîtrise. Le plus impressionnant est la totale adéquation de la mise en scène et de son propos : certes, c'est un film sur le suicide, mais c'est surtout un film sur l'individualisme inévitable de nos sociétés : combien de personnes fréquente-t-on, au travail, dans notre quartier, sans les connaître vraiment ? La construction narrative du film, à la fois habile et particulièrement ressentie, culmine lors de la dernière séquence. L'étudiant qui se suicide n'est pas celui qu'on attendait. Certains estiment que la fin du film est malhonnête, voire roublarde, car elle contredit nos attentes, aucun indice ne nous permettait de la deviner. Le suicidé ne fait pas partie de ceux dont le cinéaste nous a brossé le portrait, de ceux avec lesquels il nous a mis en empathie. Mais cette fin surprenante nous confronte à une réalité : certaines personnes qui se suicident n'ont laissé transparaître aucun signe d'alerte; les autres ont d'elle une image lisse parce qu'une personne qui souffre de solitude ne va pas forcément le crier sur les toits