Olivier Assayas est au scénario et à la réalisation. Il signe un film magnifique sur la famille, l'écart entre les générations, le temps, l'espace, la vie. L'Heure d'été est très subtil, il dit beaucoup de choses qui parlent au spectateur. Certes le milieu décrit est très bourgeois -voire bobo - mais il est étonnant de constater à quel point on s'y retrouve, même si notre vie sociale est différente de celles des personnages du film. Ce que capte Assayas, ce sont des instants de vie terriblement justes, des petites phrases d'un naturel effarant, qui font qu'on a l'impression de vivre avec ces personnages. On pourrait même dire que ce ne sont plus des personnages mais des gens à part entière. La sensation de réalisme est forte, et l'interprétation formidable des acteurs ne fait que renforcer cela. Binoche, Berling, Rénier, tout le monde est dans une justesse de jeu qui ne peut qu'impressionner.
La caméra est fluide, toujours en vie, parce que le monde que l'on voit est lui-même plein de vitalité, de vigueur. Assayas réussit à rendre palpable le temps qui passe, les souvenirs d'une époque. Il en dit aussi beaucoup sur notre rapport à un lieu - la maison est évidemment un personnage à elle seule - et au temps. Le temps est abordé à travers plusieurs exemples. Le premier est bien sûr le temps qui s'écoule, qui mène inéluctablement à la mort. Le second est consécutif au premier, et évoque l'écart entre les générations. Assayas montre comment chacun vit selon son époque. La mère est attachée à la maison, et donc aux oeuvres d'art du 19ème, et donc au passé. Ses enfants vivent à l'heure de la mondialisation - Binoche travaille aux USA, Rénier en Chine, encore une fois le hasard n'a pas sa place ici - et les petits-enfants incarnent la relève, le futur encore incertain. Assayas en profite pour dresser un état des lieux du monde, sans jamais dire au spectateur quoi penser.
Plusieurs séquences qui en disent beaucoup : l'oeuvre d'art cassée qui se retrouve dans un sac Leclerc, constat amer sur notre époque où tout s'achète et se vend, et pire même, tout s'achète et se vend de manière uniforme.
Une des équences finales voit Berling et sa femme au musée, où se trouve un bureau ancien qu'ils ont revendu. Les touristes passent, écoutent l'explication du guide, regardent l'oeuvre pendant trente secondes et s'en vont. Tristesse...l'objet est certes à portée de tous, mais il perd de sa vie, de son aura. Dans la maison son existence était secrète mais il signifiait quelque chose. Le film nous dit qu'il y a une valeur plus importante que celle de l'argent. D'ailleurs, autre très bele scène : celle où la bonne repart avec un vase précieux, sans savoir qu'il s'agit là d'une oeuvre inestimable. Mais pour elle, ce vase est important parce qu'elle y est attachée sentimentalement. Elle refuse l'argent qui lui était promis et emporte le vase parce que cet objet est plus qu'un vase, il est aussi une trace de sa vie passée et des gens qui comptaient pour elle.
L'heure d'été est un film stimulant, riche, nécessaire, tout simplement magnifique et hautement recommandable. Grandiose.