Après "40 ans toujours puceau", Judd Apatow enfonce le clou de la comédie transgressive avec ce "En cloque, mode d’emploi" qui s’inscrit parfaitement dans la lignée de son illustre prédécesseur mais également des nombreux avatars produits, depuis, par le réalisateur. On retrouve donc ces héros trentenaires pas vraiment murs et leur problèmes existentielles (essentiellement sexuels), cette direction d’acteurs très light qui laisse libre cours aux numéros improvisés, ces dialogues éminemment grossiers et ultra-référencés. Apatow peut également compter sur un casting sensationnel de jeunes talents devenus, depuis, des incontournables pour la plupart d’entre eux, que ce soit Katherine Heigl en working girl tombée enceinte par accident, Seth Rogen en geek adepte de la glande et de la fumette mais également Jason Segel, Paul Rudd, Leslie Mann, Jonah Hill, Jay Baruchel, Kristen Wiig ou Bill Hader (sans oublier les cameos sympas d’Harold Ramis et de Steve Carrell). Mais, et c’est le premier défaut du film, on remarque quasi-immédiatement les limites du talent de Judd Apatow qui, certes, a révolutionné la comédie US mais qui démontre, dès son second film, qu’il aura beaucoup de mal à se renouveler. Car, si "40 ans toujours puceau" avait surpris son monde avec son pitch improbable et son casting d’inconnus plein de talent, Apatow ne peut, aujourd’hui, plus compter sur cet effet de surprise. Le degré d’exigence, désormais élevé, du spectateur qui va voir la "prochaine comédie d’Apatow" ne peut, dès lors, se contenter du rythme assez inégal de la mise en scène, de la longueur déraisonnable du film (2h10 pour une comédie, c’est beaucoup) ni même du caractère prévisible de l’intrigue, alourdis par certains gags qui tombent à plat. Mais surtout, ce second film vient confirmer que, malgré un ton transgressif affiché, Apatow ne fait pas l’économie d’une morale bien pensante si chère aux Américains (on a droit, ici, à la question du mariage avant la naissance qui parait obligatoire, à la crucifixion du mari qui ment à sa femme pour passer des soirées avec ses amis et, bien évidemment, à un happy-end un peu mielleux). Ce réflexe, déjà esquissé dans son précédent film, vient un peu écorner l’étiquette "politiquement incorrecte" accordée un peu trop facilement au réalisateur. Ces défauts de fabrication n’empêchent pas "En cloque, mode d’emploi" de nous réserver certaines scènes hilarantes (la scène de la conception, la succession des gynécologues consultés par le couple …), des running gags énormes (le pari sur la barbe de Martin, la création du site de cul de la bande, le débat sur le sens de la phrase "Vas-y"…) et des dialogues savoureux. Il n’en reste pas moins trop inégal et ambigu dans ses intentions pour emporter totalement mon adhésion. Peut-être qu’avec un autre réalisateur aux manettes, mon jugement aurait été moins sévère…