Avant d'incarner Napoléon, Daniel Auteuil s'était déjà glissé dans la peau de plusieurs personnages historiques : Lacenaire pour Francis Girod (1990), Henri de Navarre pour Patrice Chéreau (La Reine Margot en 1994), Raymond Aubrac pour Claude Berri (Lucie Aubrac, 1997), le Marquis de Sade pour Benoît Jacquot (2000). L'acteur explique sa méthode pour incarner ce type de héros : "Mon souci est de pouvoir les réinventer en me les appropriant. J'essaie toujours de leur donner une proximité immédiate qui fasse qu'on colle au plus près à la réalité. J'aime donner l'impression qu'on les prend en cours de route et surtout qu'ils soient le plus faussement vrais. Dans la vie, on est toujours surpris de croiser quelqu'un de connu. Enfant, dans les années soixante, je me souviens avoir vu passer le général de Gaulle à Dijon, alors qu'il venait rendre visite au chanoine Kir avec Nikita Kroutchev. Ça m'a marqué parce qu'il dépassait de la foule par sa taille. C'est toujours bizarre d'être témoin de l'histoire."
Auteur entre autres du remarqué Caterina va en ville, le cinéaste italien Paolo Virzi parle de ce septième long métrage : "Jusqu'à présent dans mes films, j'ai toujours cherché à "voler le vrai" autant en ce qui concerne les paysages, que les atmosphères ou les personnages. Cette fois-ci pourtant, pour la première fois, j'ai essayé d'imaginer un monde qui n'existe plus et que j'ai donc voulu recréer de toute pièce : scénographie, costumes, calèches à chevaux, pelotons de la Grande Armée et l'humanité brûlante et massacrée du Portoferraio d'il y a deux siècles (...) C'est une sorte d'allégorie sur le rapport entre l'idéalisme politique et le pouvoir, mis en scène avec un esprit d'opéra comique et de comédie toscane irrévérencieuse – mais aussi avec une veine impétueusement romantique, et avec une certaine ambition de récit philosophique".
Napoléon a été très souvent représenté au cinéma, à toutes les époques et par des cinéastes de toutes nationalités. Parmi les célèbres comédiens qui ont coiffé le bicorne de l'empereur avant Daniel Auteuil, citons, par ordre chronologique, Albert Dieudonné (le Napoléon de Gance, 1927), Charles Vanel (Waterloo, 1929), Claude Rains (Betsy, 1936), Charles Boyer (Marie Walewska, 1937), Pierre Blanchar (A Royal Divorce, 1938), le réalisateur Gérard Oury (La Belle Espionne, 1953 et L'Amante di Paride, 1954), Marlon Brando (Desirée, 1954), Dennis Hopper (The Story of Mankind, 1957), Raymond Pellegrin (Venus Impériale, 1963), Gianni Esposito (Surcouf, le tigre des sept mers et Tonnerre sur l'ocean indien, 1966), Rod Steiger (Waterloo, 1971), Aldo Maccione (La Grande débandade, 1976), Ian Holm (Bandits, bandits en 1981 puis The Emperor's New Clothes en 2001), Patrice Chéreau (Adieu Bonaparte, 1985), Roland Blanche (L'Otage de l'Europe, 1989) et Philippe Torreton (Monsieur N., 2003).
Daniel Auteuil confie qu'il a failli jouer le rôle de Bonaparte il y a quelques années : "Il se trouve qu'il y a six ou sept ans, quand Napoléon est redevenu un personnage à la mode, les Américains m'avaient déjà proposé de tenir ce rôle dans une production intitulée Betsy qui racontait son dernier amour à Saint-Hélène. Du coup, à l'époque, je m'étais énormément documenté et j'avais beaucoup lu sur lui, y compris les mémoires de son domestique. Finalement, ce projet a avorté, mais, du coup, les lectures et le travail préparatoire avaient déjà été effectués. On m'avait également soumis le scénario de Monsieur N. à une époque où Antoine de Caunes n'était pas encore attaché au projet comme réalisateur (...) C'est un personnage extrêmement cinématographique et en tant qu'acteur, c'est un atout d'avoir le recul de ses autres interprétations, même si je n'en connais que certaines. Mais, à aucun moment, ce personnage ne m'a paru pesant. La première fois qu'on porte le tricorne, il faut se prendre pour le personnage. C'est le costume qui fait l'homme. Napoléon est une vedette. Au point que sur le tournage, personne ne m'appelait par mon nom et mon chien était devenu le chien de Napoléon (rires)."
Daniel Auteuil brosse le portrait du Napoléon qu'il incarne dans le film : "J'aimais le parti pris du réalisateur, qui consistait à à le faire apparaître comme une silhouette quand il débarque. Par la suite quand le jeune homme le croise pour la première fois, il ne le reconnaît pas et le prend pour undomestique (...) [Napoleon] est constamment en représentation et il va jusqu'à prendre des bains de foule. En quelque sorte, il prépare sa légende. On se moque ouvertement du pouvoir et il y aussi dans ce Napoléon une référence évidente à Silvio Berlusconi, qui était encore président du Conseil italien au moment du tournage (...) Paolo Virzi avait fait des dessins caricaturaux qui m'ont beaucoup aidé, dans la mesure où il y représentait Napoléon comme un personnage sérieux frisant parfois le grotesque. Bonaparte a de l'allure, mais là il est en exil. Alors on est parti du principe que, dans le film, c'est un homme d'action qui a grossi parce qu'il s'ennuyait. C'est aussi pour cela que j'ai choisi de le fatiguer par anticipation, car le Napoléon que j'ai failli incarner en 1998 était un empereur déchu, alors même qu'en fait, à peine plus de trois mois séparent son exil à Saint-Hélène de son séjour à l'île d'Elbe."
Vu dans Respiro et Romanzo criminale, Elio Germano, qui joue, face à Daniel Auteuil et Monica Bellucci, le rôle principal de Napoleon (et moi), a dû se soumettre à un long travail de préparation. Il énumère : "Je suis allé vivre sur l'île d'Elbe un mois avant le début du tournage afin d'écouter leur manière de parler et l'accent local mais aussi pour vivre dans ces lieux et rechercher l'esprit de l'époque. J'ai éliminé téléphone et automobile (...) Je suis allé dans la bibliothèque de Portoferraio pour me documenter, j'ai cherché des livres qui racontaient l'île. J'ai connu des personnes qui ont travaillé sur les textes concernant Napoléon et qui m'ont beaucoup aidé (...)J'ai interviewé différents pionniers des lieux avec ma caméra, afin qu'ils me racontent ce qu'ils avaient eux-mêmes entendus de leurs aînés. J'ai écouté leur accent, me suis documenté (...) J'ai étudié de plus près l'histoire des années 1800 et j'ai trouvé beaucoup de détails intéressants que je ne connaissais pas ou que j'avais oubliés. Lors de cette première phase préparatoire de ma documentation, j'ai été à l'école de calligraphie afin d'être crédible dans ma manière d'écrire. J'ai appris l'écriture à la plume sur parchemin et à écrire avec une graphie différente de la mienne. A un certain moment j'ai commencé à collaborer avec l'équipe de décoration afin de réalisermoi-même les écrits d'époque que l'on voyait à l'image dans différentes scènes. Enfin, j'ai appris à monter à cheval, car mon personnage Martino, traversait à l'époque l'île sur son âne, comme il le ferait aujourd'hui surson scooter..."
Pour l'écriture du scénario, le cinéaste s'est adjoint les services d'un grand nom du cinéma italien, Furio Scarpelli, connu pour avoir formé avec Agenore Incrocci (alias Age, décédé en 2005) un tandem de scénaristes très prisé. On retrouve cette plume au générique de quelques classiques signés Dino Risi (Les Monstres), Ettore Scola (Nous nous sommes tant aimés, La Terrasse et Le Bal entre autres ) ou Sergio Leone (Le Bon, la brute et le truand). Né en 1919, Scarpelli a débuté en travaillant sur des films interprétés par le populaire Toto, et, beaucoup plus récemment, son nom apparaît au générique du Facteur, le mélo à succès de Michael Radford. Sur ce dernier film, comme sur Napoléon (et moi), Scarpelli a travaillé en compagnie de son fils Giacomo.
La franco-italienne Monica Bellucci évoque son personnage : "J'aime beaucoup cette baronne Emilia Spazzani Torralta, la quarantaine, d'origine populaire qui devient noble en épousant un vieux et richearistocrate bourbon (...) Elle a appris quatre mots de français, mais lorsqu'elle se laisse aller, ressurgit sa véritable nature de "plouc", bonne vivante et infantile, capricieuse et ... putain. C'est un personnage qui m'a beaucoup amusé pas seulement parce que je pouvais jouer de mon accent ombrien mais parce que tout lui tombe un peu dessus. C'est une femme qui sait parfaitement que son pouvoir est lié à son aspect physique et qui sait user de ses charmes féminins (...) Pour l'interpréter, je me suis inspirée de personnes que je connais."
Napoleon (et moi) n'est pas le premier film italien dans lequel tourne Daniel Auteuil, mais dans La Folie des hommes de Renzo Martinelli, il était doublé et dans Le Prix du désir de Roberto Ando, il jouait en français. Cette fois, l'acteur a travaillé avec un coach pour apprendre et comprendre son texte, en italien.
Après le tournage de Napoléon (et moi), Daniel Auteuil et Monica Bellucci se sont retrouvés sur le plateau du deuxième souffle d'Alain Corneau, remake du film de Jean-Pierre Melville.