Pusher est le premier épisode d'une trilogie réalisée par Nicolas Winding Refn. Cette première partie nous plonge dans le monde de la criminalité de bas étage à Copenhague. Par l'intermédiaire de deux dealers, Frank et Tonny, nous allons découvrir cet univers sale, sombre, et sans pitié, duquel chacun essaie de s'échapper par des plaisirs épicuriens. C'est le cas de nos deux protagonistes, qui vivent de leur trafic, et semblent s'en contenter. Mais lorsqu'un de leur échange se voit contrarié par la police, Frank se retrouve endetté auprès de Milo, un homme puissant et dangereux.
Pour faire ressortir cette impression poussiéreuse des rues danoises, Refn insiste sur le fait de rendre ses images on ne peut plus réalistes. Les lieux sont délabrés, avec un teint grisâtre constamment présent, du ciel aux bâtiments, qui donne la sensation de baigner dans la moisissure. Images dérangeantes, dans lesquelles chaque personnage se fond sans problème, comme incrustés à l'environnement. Plus marquant encore, le film n'enchaîne quasiment que des gros plans, qui s'attardent sur Frank, personnage qui monopolise l'écran à lui tout seul. En plus de cela, l'utilisation répétitive d'une caméra à l'épaule renforce l'aspect quasi-documentaire de Pusher.
Tous ces procédés rendent évidemment l'immersion totale, nous avons l'impression de connaître cette ville sur le bout des doigts, et l'intention du réalisateur de nous embarquer dans cet univers glauque à souhait est réussi. Tous les intervenants sans exception ont ce point commun, celui de vouloir s'évader de leur vie quotidienne, par quelque moyen qui soit. La drogue, le sexe, la violence, tout est bon à prendre pour oublier, et c'est ce qui rend chacun de leurs actes compréhensibles. Frank l'est d'autant plus, fortement empathique, on va vibrer avec lui, qui n'est certes pas exempt de tout défauts mais c'est cela qui le rend si attachant. Partageant l'écran sur la première partie avec Tonny, il va ensuite le partager avec Vic, femme avec qui il entretient une relation compliquée. Sous pression, il va devoir trouver de l'argent pour rembourser ses dettes, coûte que coûte. Sa descente aux enfers et sa chute vers le désespoir en devient alors passionnante.
Progressivement nous allons constaté la faiblesse de Frank, cette même faiblesse qui est la même chez tous les personnages. La peur renforce la cruauté, au point de dénaturer les réactions, et la faiblesse devient alors une force, qui leur permet de survivre. Les dialogues sont par ailleurs très crus et parfaitement dans le ton, enfonçant encore plus le long-métrage dans le film noir par excellence. La fin représente à elle-même toute cette faiblesse, les actions devenant des actes désespérés, qui ne changent en fin de compte rien de fondamental.
Malgré tout, lee gros défaut, non négligeable, c'est que la qualité se perd à travers l'enchaînement des situations, qui ne sont finalement ni originales, ni haletantes. Le rendu n'est pas bonifié par un scénario impeccable, si la pression est au rendez-vous, elle n'atteint jamais un seuil d'intensité capable de renverser le spectateur. Pusher ne parvient à aucun moment à se détacher et à devenir un film référence, il reste toujours sur un rythme plaisant mais qui n'en demeure pas aussi puissant qu'on aurait pu l'espérer. Comme pour les autres films de Nicolas Winding Refn, je dénote un léger manque de consistance, qui oblige donc le film à rester campé sur sa ligne directrice, sans exploser à un moment ou à un autre.
Toujours est-il que ce premier épisode est loin d'être mauvais, puisqu'il arrive à nous engouffrer dans cette criminalité ambiante avec aisance, et qu'il se base sur un personnage très humain et plaisant à voir évoluer. Mais le manque de profondeur ne le rend finalement intéressant qu'à un certain degré, sans pousser encore plus loin l'expérience. Peut-être que l'intensité recherchée se retrouvera dans les deux autres volets, c'est vraiment ce que j'en attends. Pour le moment, la déception prend le pas.