C’est une traversée, cruelle et risquée, d’une ville avec ses commerces, ses lieux publics et ses habitants. Un homme, Frank, chargé d’une livraison de drogue, comme à son habitude. Une embrouille avec le milieu, une relation conflictuelle avec une autre junkie et une course-poursuite dans les rues de la capitale du Danemark. C’est du pur, du vrai thriller, filmé à la caméra embarquée avec peu de moyens mais assez d’envie et de passion pour emmener le spectateur dans une aventure où haine s’estampille telle un fléau de colère. Alors que d’une scène après l’autre fait jaillir le sang sur le parquet d’un bar, le personnage principal, défoncé et batte en main, part peu à peu dans la paranoïa la plus totale. Une approche plus tendue et des relations plus corsées encore prennent place dans la vie quotidienne du personnage principal. Un schéma qui sera repris dans les suites, aussi talentueuses. Ce volet possède moins de moyens et un scénario pas forcément bien écrit, mais ce qui est sûr et certain, c’est la qualité du cadrage, des angles et de la lumière, de cette musique qui explose dans une pièce avant que le montage brutal nous fasse passer dans une autre. Ou l’impressionnante maîtrise d’un metteur en scène qui sait transmettre une ambiance suffocante à son oeuvre, qui en insuffle assez jusqu’à faire tremper son spectateur dans l’intoxication la plus brusque, la plus soudaine. Le scénario, futé, outrage, blesse, fustige ses personnages. C’est une affaire de répétitions savamment bien dosées. Frank marche, l’esprit enfumé, vend de sa marchandise, les nerfs en feu, puis consomme de celle-ci, faisant disparaître tout stress durant une bonne poignée d’heures. Il vit sa vie, la caméra le poursuit, telle cachée par la foule. Jusqu’à ce que le circuit voit sa route déformée tout ça à cause d’un mauvais deal. Plus de tranquillité, Frank avance pour survivre et non plus pour tenter de vivre. Refn donne tout ce qu’il a, il va même jusqu’à se donner un rôle à lui-même, et offre une première interprétation à un Mads Mikkelsen détonant! Dommage que l’ennui prenne parfois trop de place, et il en est de la réalisation brouillonne. Mais cela reste un sacré exercice de style.