Après Janis et John, Samuel Benchetrit a eu du mal à se remettre à écrire pour le cinéma. La sortie avait été trop pénible à vivre pour lui. "J'avais envie de me concentrer sur la littérature et le théâtre", avoue-t-il. "Et puis, le cinéma est revenu de lui-même, organiquement. Je me suis lancé sur un projet assez gros avec Roberto Benigni. Mais celui-ci n'était pas libre avant un an. J'ai alors décidé de travailler à un film intime avec peu de moyens. Un film populaire mais avec une ambition artistique et technique. Comme on en faisait dans l'Italie des années 60. Je voyais beaucoup de ce genre de films avec mon fils. Le Pigeon, Le Fanfaron, Les Monstres... Je ne veux pas paraître prétentieux en disant que je voulais faire ces films-là, qui sont des grands films, mais c'était leurs esprits qui m'inspiraient. J'avais un besoin énorme de liberté. Le même que celui que j'avais connu au théâtre avec "Moins 2". J'avais très peu d'argent pour faire cette pièce, pas de décor et juste deux comédiens, et j'ai aimé la paix qu'on m'a foutue pendant les répétitions ! J'ai donc eu envie de faire un film dans ce sens, en sachant bien sûr que le cinéma coûte toujours plus cher, mais je voulais voir si j'en étais capable, un peu comme on élève un enfant. Le genre : là on a du fric, mais si on n'en a plus, sois content quand même !"
Au départ, Samuel Benchetrit souhaitait produire seul son film en faisant appel à des mécènes. Réalisant qu'il ne comprenait rien aux lois financières de la production, le cinéaste se résigna à faire appel à la société Fidélité Films, qui avait déjà produit Janis et John. "Je leur ai confié la production en leur demandant de se limiter volontairement à un petit budget pour respecter mes envies de départ sur ce projet", raconte-t-il. "Je leur ai expliqué les choses : film à sketches. Noir et blanc. Format 1.37. Et ils ont dû faire une drôle de tête ! Chaque film contient une originalité qui, souvent, se traduira par une difficulté financière pour le producteur. C'est pour cette raison qu'il faut dès le départ avoir une explication avec ceux qui vont monter au front des financements. Si on tarde, c'est foutu. Je sais que mes producteurs tiennent à me suivre et qu'ils sont, avec ce film, prêts à prendre des risques pour moi. Avec Wild Bunch, ils ont quasiment monté le film en fonds propres, sans télé à part Canal+."
Avec J'ai toujours rêvé d'être un gangster, Samuel Benchetrit ressentait le désir de faire un film sur son cinéma. Celui qui l'avait nourri et qui continuait de le hanter. C'est ainsi qu'il s'inspira des Affranchis de Martin Scorsese, son premier vrai souvenir de film. "Je regarde Les Affranchis, et pour la première fois, je comprends qu'il y a un autre personnage que ceux que l'on voit sur l'écran", explique le réalisateur. "Quelqu'un qui m'emmène, et qui décide de me montrer ce qu'il veut, à sa façon. Le plan-séquence où l'on suit Ray Liotta et Lorraine Bracco de dos en est un bon exemple. Comment montrer la puissance de ce jeune homme : le suivre en temps réel dans les coulisses d'un restaurant, là où un type lambda n'a pas le droit d'entrer. Donc, je me suis souvenu de la première phrase de ce film : "Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours voulu être un gangster". Et l'hommage a commencé. Je me suis mis à chercher plusieurs histoires autour de ce thème."
Pour constituer le gang de vieux braqueurs, Samuel Benchetrit a d'abord fait appel à Jean Rochefort : "Il m'a suivi depuis mon premier livre et me demandait régulièrement de lui écrire quelque chose. Je lui ai proposé ce rôle, sans avoir vraiment écrit l'histoire et il m'a dit oui. Ensuite, il s'est investi avec moi pour trouver ses collègues. J'aime beaucoup quand un acteur se mêle comme ça." Le cinéaste a également pensé à Roger Dumas avec qui il venait de faire Moins 2 au théâtre. "Roger est un acteur qui me rassure beaucoup, confie Samuel Benchetrit. Il a pris une dimension, et il me dit lui-même qu'il progresse comme jamais ces dernières années. C'est bien dans la bouche d'un homme de soixante-dix ans." Pour ce qui est de Laurent Terzieff, Jean-Pierre Kalfon et Venantino Venantini, les choses se sont passées entre le désir et le hasard. " Terzieff était venu voir mes pièces au théâtre, se souvient le réalisateur. Quand je l'ai appelé, il a pensé que je lui en proposais une, et a sûrement été déçu que ce soit pour un film. Il a demandé à lire, et le lendemain il m'a téléphoné pour me dire qu'il voulait faire le film. Jean-Pierre Kalfon m'intéressait parce qu'il était vraiment inattendu dans cette bande. Il me fait penser à Roger Dumas en un sens. Ils sont solides. Comme des piliers. Et il faut des piliers quand on a un groupe d'acteurs que l'on filme toujours ensemble. Entre les prises, il venait me voir pour me raconter des histoires délirantes qui lui sont arrivées dans sa carrière. Il a un ton surréaliste. Venantino Venantini, c'est mon premier assistant qui m'en a parlé. Je cherchais un acteur étranger et plutôt Italien. Pas tellement pour faire un machin métissé. Mais pour rappeler encore cette idée du cinéma transalpin d'une époque. Je me souvenais vaguement de cet Italien bègue. Je l'ai rencontré, et là, je suis tombé sur un fou. Il se baladait avec ses tableaux, qui représentent des femmes nues. Il a tout de suite compris l'esprit de cet épisode. Une fois les cinq réunis, c'était drôle de les voir ensemble. Ils représentaient un paquet de films et des millions de kilomètres de pellicule. "
Samuel Benchetrit explique les raisons qui l'ont conduit à choisir Anna Mouglalis pour le rôle de la serveuse. "Je voulais écrire pour Anna . Je l'avais vue dans différents films et je l'ai rencontrée après Janis et John. Elle a une exigence incroyable. Elle refuse beaucoup de projets. Là, c'est la première fois qu'elle accepte de jouer dans une comédie. Or, les gens n'imaginent pas à quel point Anna est drôle. D'ailleurs, on pense souvent que les filles belles ou mystérieuses sont ennuyeuses ou glaciales. C'est juste qu'on les met trop souvent dans des cadres qui ne leur permettent pas de s'exprimer dans ce sens. Je me suis beaucoup amusé à tourner avec Anna . Jusqu'à en tomber amoureux. On se ressemble beaucoup dans la vie. On a des émotions en commun. J'aime le rythme de son jeu. Et sa voix, et la façon de tourner son visage. Au montage, il fallait que je me méfie de mes sentiments. Je restais trop long sur elle en fin de plan. J'attendais qu'elle tourne le visage ! Heureusement, ma monteuse m'a fait redescendre."
Lorsqu'il écrivit l'histoire du face à face entre chanteurs (Arno et Alain Bashung), Samuel Benchetrit n'avait pas vu ce qu'avait fait Jim Jarmusch avec Tom Waits et Iggy Pop. "Tout le monde m'en a parlé, et j'ai fini par regarder Coffee and cigarettes", confie le réalisateur. "C'est vrai que c'est proche. Mais c'est beau, alors ça va. Souvent, les gens cherchent à savoir où vous avez pompé. Mais c'est plus souvent de l'inspiration qu'autre chose. Jim Jarmusch a fait son truc avec des chanteurs américains. Les miens parlent d'autre chose et sont français, ou à moitié belges. Qu'un autre en fasse un en Argentine. Un autre en Finlande. Et on en fera un long métrage qu'on appellera "Song's Story". Pas mal non ?"
Le tournage du face à face entre chanteurs fut un "monument" dans le souvenir de Samuel Benchetrit. "Ils sont arrivés à l'heure. Polis, professionnels, adorables mais... sans savoir leur texte", confie le cinéaste. "Je pense que Bashung le savait un peu mais le gardait pour lui, par timidité. On avait peu de temps pour tourner, à peine deux nuits, et telles que les choses étaient barrées, j'ai pensé qu'on n'y arriverait jamais. Alors je me suis mis entre les deux, et je leur ai dicté le texte pendant les prises. A la Claude Lelouch ! Ça donne un rythme et des temps étranges à cette scène. Mais je crois que ça marche par rapport à ce que ça raconte et à leurs personnages. C'est étrange car je ne supporte pas qu'un acteur ne connaisse pas son texte. Et pourtant avec eux, j'ai appris que parfois ça peut donner autre chose. Pour ça, il faut avoir deux vraies personnalités comme les leurs."
J'ai toujours voulu être un gangster a été présenté dans les sélections officielles des Festivals de Londres 2007, Locarno 2008 et Sundance 2008.
C'est Sergi Lopez qui devait incarner à l'origine Gino, rôle finalement tenu par Edouard Baer. L'acteur, qui avait déjà tourné sous la direction de Samuel Benchetrit (Janis et John), s'était cassé une jambe avant le tournage, incident qui compromit sa participation au film.