Réaliser un premier long métrage est toujours périlleux. Surtout quand on n’est pas connu dans le milieu cinématographique, même si on s’est déjà essayé aux courts-métrages (un a reçu quelques belles récompenses dans différents festivals). Alors pour ce qui est d’obtenir un budget… Ça a été le cas pour Micha Wald, qu’on devine habité par l’Est, avec tout ce qui fait sa magie et son horreur. La première chose frappante, c’est justement ce manque de budget. Pour autant, il parait qu’on trouve dans les quatre rôles principaux trois acteurs confirmés. Pour ma part, je n’en connaissais aucun. Le seul et unique comédien que j’ai reconnu, c’est Jean-Luc Couchard dans un rôle mineur. Enfin quand je dis que je l’ai reconnu, tout est relatif car j’ai eu beaucoup de mal à lui mettre un nom dessus tant il est méconnaissable, loin, trèèèèèès loin des rôles survoltés qu’on lui connait. Toujours est-il que pour des raisons budgétaires, il ne faudra pas tenir compte de la teneur historique du récit. En revanche, ils se sont donnés les moyens de travailler les combats au sabre et les montées à cheval : trois mois de travail avant tournage. Mouais : je ne trouve rien d’impressionnant en tout cela, ni rien d’épique contrairement à ce que laissait entrevoir l’affiche, par ailleurs magnifique. Au contraire, la mise en scène et la façon de filmer sont d’une sobriété étonnante, y compris lorsque les scènes sont supposées être violentes. En revanche, ce que j’ai trouvé scotchant, c’est la descente aux enfers des quatre personnages principaux, les quatre menant jusque-là une vie anonyme. Du moins jusqu’à ce que leurs chemins se croisent. Attention, je n’ai pas dit tranquille mais anonyme. Donc dans l’ombre. Une fois n’est pas coutume, le cap est mis sur l’Est, au cours du XIXème siècle. Ne cherchez pas à savoir où exactement, ce n’est jamais précisé. On n’a même pas un nom de ville en indice. Mais là où "Voleurs de chevaux" tire son originalité, c’est qu’il se focalise sur la corporation des Cosaques. Au point que j’ai pensé que c’était un film russe, ou de quelque part par là-bas. Eh bien que nenni ! En dépit de la nationalité du réalisateur et de Jean-Luc Couchard, ce long métrage bat pavillon français. Mais allez donc chercher un film qui parle de Cosaques. Vous verrez que vous n’en trouverez pas beaucoup. En ce qui me concerne, j’ai beau chercher, je n’en vois pas. Selon l’opinion publique, les Cosaques sont décrits comme des grands sauvages, des êtres vils, barbares, des machines de guerre qui n’ont aucune éthique. C’est peut-être vrai, allez savoir. Le fait est que le cinéaste confirme cette image, de la même façon qu’il la casse. Quoiqu’il en soit, eux aussi on leurs traditions : la façon particulière de trinquer, les danses folkloriques… Sauf que les personnages ne sont absolument pas typés Cosaques, mis à part peut-être l’instructeur. Qu’importe, le milieu des Cosaques n’est en fait qu’un prétexte pour implanter la vraie intrigue qui repose sur la vengeance. Celle-ci sera narrée en trois chapitres : "Lui", "Eux", et "La traque", les trois étant développés après l’introduction qui est en fait le point de départ de cette histoire. D’ailleurs le récit ressemble à du scolaire, tant la description des personnages est minutieuse. De ce point de vue-là, c’est parfaitement maîtrisé. Au début on a un peu de mal à savoir qui est qui, mais cela est dû au fait qu’on ne connait pas les acteurs et que de ce même fait, on a quelques difficultés à s’approprier leur physique. Si tel est votre cas, rassurez-vous, tout cela va rentrer dans l’ordre assez rapidement. Et puis on en arrive au troisième et dernier chapitre. Tiens donc ! Ça ne vous rappelle rien ? "Apocalypto", de Mel Gibson, sorti à peine dix mois plus tôt. Non ? Se peut-il que Micha Wald s’en soit inspiré ? Certes le contexte est différent, le lieu aussi. Complètement différents même. Mais ce que je veux dire par là, c’est que le spectateur n’est ici pas véritablement pris dans cette chasse à l’homme, mais suffisamment pour savoir si Jakub (Adrien Jolivet) va parvenir à ses fins (encore que). La faute sans doute à des dialogues peu prolifiques, à une trop grande absence de la musique alors que celle-ci est magnifique. La faute sans doute aussi à un jeu d’acteur pas suffisamment intense. Le plus convaincant est Grégoire Colin, dans la peau de Roman. Lui parvient à être véritablement inquiétant. Et encore, je suis sûr qu’il pouvait mieux faire encore. Adrien Jolivet ne tient que furtivement une expression scénique des plus probantes, lorsque son regard accroche celui de Roman. Là oui, on sent que s’il avait des sabres à la place des yeux, il aurait embroché direct sur place et sans préavis son ennemi. Quelques plans trop longs sont également à déplorer (en particulier un sur Jakub). Il en résulte des effets de longueur qui, malgré la courte durée du film, nous font regarder la montre. Les nombreux cris, gémissements, râles, y sont probablement pour quelque chose aussi. Est-ce que ça aurait inspiré "The revenant", d’Iñárritu (2015) ? Et quand vient enfin le final, on tombe malheureusement dans les incohérences. Entre le fait qu’un soldat pénètre sans véritable précaution dans la tanière de son ennemi, et le fait que deux horizons différents s’apprivoisent… Mouais, tout ça ne m’a pas convaincu, tout simplement parce que je considère qu’un film d’auteur doit raconter quelque chose de véritablement vrai, comme c’est souvent le cas des films Art & essai. Mais je concède à dire que c’est une première œuvre encourageante sur bien des aspects pour Micha Wald.