L'histoire d'un miraculé dans l'espace.
Certains films sont impossibles à critiquer. Heureusement d'ailleurs. Ici, nous sommes confrontés à une œuvre, dans le sens véritable du mot. Quelque chose de fort, sans concession, pratiquement indigeste, avec un scénario limité à une idée forte mais simple et unique, et si Jésus revenait mais cette fois-ci dans l'espace ?
Sorti de là, même si le sujet est traité avec une approche presque scientifique et des visuels parfois simplement magnifiques, on est face à un dilemme, pourquoi ce film qui surfe entre deux obsessions, le scientisme et le miraculisme, passe mieux que d'autres ? Sans doute parce que Caro est un fou cultivé et talentueux. Contrairement à son ami Jeunet sentimental et avide de reconnaissance, il ne cherche qu'à exprimer sa force brutale, sa soif d'hommes et de femmes à l'état primitif. Il ne cherche pas à donner des leçons de morale, il fait un postulat, et c'est tout. On peut donc dire que 1h30 de religiosité invraisemblable n'est pas indigeste, peut-être parce que c'est finalement le seul refuge qu'a trouvé un esprit libre pour oublier la noirceur de l'avenir actuel. C'est ça la force d'un créateur, utiliser un sujet qui m'insupporte systématiquement pour en faire quelque chose de regardable parce qu'entier.
Au niveau image et budget, ça ne vaut pas « Sunshine », et au niveau scénario, c'est même l'opposé, puisque le film britannique faisait la pub de l'homme tandis que Caro fait la pub de dieu le miraculeux. Mais la qualité et surtout la force des gros plans, du grain, de la sueur, des excrétions et des expressions des douleurs font que l'on passe un bon moment, surtout sur un très grand écran, puisque le grain n'est pas horrible.
Caro montre sa patte en nous donnant beaucoup de gueules d'Europe de l'Est, impensables dans les films américains. Entre le peu de dialogue et la primauté de l'image, le visage de Lambert Wilson est parfait, et son rôle n'est pas si simple, puisqu'il n'a que deux ou trois phrases en tout, comme si l'on demandait à Lucchini de coller du sparadrap sur ses lèvres. Tous les acteurs s'en sortent à merveille, comme souvent dans les huis clos étouffants. Il faut dire que leurs rôles répondent à des stéréotypes parfaits dans leur genre qui restent logiques jusqu'au bout.
Mais tout n'est pas parfait.
Le mitigeur chromé tout comme le système de vidéo surveillance ou certains détails donnent à sourire sur le travail plutôt léger de futurisme, mais rien de grave. Tout a été déjà vu, même le choix d'une asiatique, désormais incontournable dans tous les films d'anticipation, on ne sait pourquoi.
C'est souvent trop long, et c'est vrai que le début du film pose beaucoup de questions dont on attend un peu trop les réponses pendant l'autre moitié, l'action prend alors un peu le dessus.
Visuellement, la caméra se permet enfin des choses intéressantes, le coup du tour à 360° est superbe, surtout sur un parfait grand écran d'Aquaboulevard. Dans l'ensemble, c'est de très bonne facture, même si l'influence du clip vidéo est parfois trop visible, et pas facilement explicable de la part de Caro. A moins qu'il ne s'agisse d'hommage au jeu vidéo...
Bonne mention à la musique, surtout le générique de fin, bien contemporaine et présente, sans jamais prendre le dessus sur l'image.
Voilà tout, un truc étrange, physique, fait de ressenti et de sueur, entier et intéressant, mais pas un grand film comme l'affiche le promettait. De toute façon, avec la religion, on ne peut que s'attendre à des promesses !